Du bigget aux comptes

Du bigget aux comptes : L'austérité engendre un écart énorme

Le budget cantonal 2018 était déficitaire de 187 millions. Mais les comptes présentés fin mars affichent un excédent de 222 millions, après provision de 157 millions liés au non-paiement des annuités 2016 du personnel. Les dépenses ont donc été de plus d’un demi-milliard inférieures aux recettes.


Manif anti-austérité, Genève, 2016 – Annette Dubois

L’ampleur inédite de cet écart est inacceptable et remet en cause la compression des charges qui est appliquée depuis des lustres! Le résultat positif vient surtout de rentrées fiscales supplémentaires. En particulier, l’impôt sur le bénéfice et sur le capital croissent spectaculairement, reflétant la santé des entreprises. Les impôts sur les personnes morales ont apporté 200 millions de plus que prévu au budget.

Rappelons que pour le budget 2019, le gouvernement avait déjà annoncé des revenus « inattendus » à la veille de le présenter au Parlement. Le Département des finances devrait réviser ses méthodes d’estimation des revenus fiscaux. C’est inconcevable de réaliser des budgets avec des scénarios si loin de la réalité.

Stop RFFA, sinon…

Ceci dit, ces comptes montrent l’importance des impôts des personnes morales, à l’heure où la RFFA veut les sabrer. Les impôts sur les personnes physiques dépassent aussi les montants au budget (+ 3%), notamment grâce aux dénonciations « spontanées » de contribuables, découlant des accords sur l’échange automatique d’informations. Cela met en relief l’effet qu’aurait un combat renforcé contre l’évasion fiscale.

Dans ce contexte, le gel de l’annuité du secteur public en 2016 est encore plus injustifiable. Alors qu’un arrêt de la Cour de justice l’a cassé, le Conseil d’État a fait appel au TF. L’annuité provisionnée par l’État montre pourtant qu’il a les moyens de remplir ses obligations légales envers ses salarié·e·s.

Ces comptes révèlent aussi nombre de dépenses budgétées et non réalisées: pour les politiques publiques de la Cohésion sociale, de la Formation et du Marché du travail, incluant la lutte contre le chômage. Une part des économies vient ici des charges de personnel. La compression de celles-ci, menée obstinément par l’État est inadmissible, alors que nombre de services et institutions subventionnées peinent à assurer des prestations essentielles à la population. L’excédent spectaculaire en 2018 aurait dû financer l’action des services publics face à la hausse de la précarité, au vieillissement de la population, aux besoins de santé et de formation, et à l’explosion des primes maladie.

Cassons les politiques antisociales

Enfin, le niveau d’investissements est de 32% inférieur au budget. Cet écart interpelle: 497 millions des 727 prévus ont été investis. Et en matière de logements d’utilité publique, les investissements annoncés n’ont pas été réalisés. Si le Conseil d’État maintient une politique d’austérité aussi injustifiée, c’est pour anticiper les pertes fiscales colossales dues à la RFFA… si elle passe. Malgré le non à la RIE 3 (2017), le gouvernement a tenu ce cap aux dépens des besoins de la population.

L’excellente santé financière du Canton doit nous encourager à renforcer les politiques en faveur des plus fragiles. L’État a les moyens de se doter d’un programme ambitieux dans les domaines de la santé, du social, de l’éducation, de la protection de l’environnement. Il est déplorable que le gouvernement, obsédé par son objectif de baisser les impôts des privilégié·e·s, manque de toute volonté dans ce sens.

Jean Burgermeister