RIE3, RFFA: maintenir le cap de la justice fiscale
En 2017, le refus de la 3e réforme de l’imposition des entreprises (RIE 3) avait surpris plus d’un·e commentateur·trice. Défendue ardemment par les milieux patronaux et leurs représentant·e·s de droite majoritaires à Berne, elle avait été mise en échec par un front politique et syndical peu coutumier des victoires sur le plan fiscal en Suisse. Ce front était alors porté par un sentiment d’injustice largement répandu devant le fait d’offrir des cadeaux fiscaux aux 1% les plus privilégié·e·s, pendant que les 99% restant·e·s verraient leurs impôts augmenter et leurs services publics se démanteler.
Soumise au vote le 19 mai prochain, la Réforme de la fiscalité et financement de l’AVS (RFFA) prévoit en substance les mêmes cadeaux aux riches: baisse massive du taux d’imposition sur le bénéfice des sociétés, renforcée par des mécanismes de déductions fiscales qui, ensemble, assècheront de 4 milliards de francs par an les caisses publiques et renforceront le rôle de paradis fiscal de la Suisse.
Si les objectifs de la droite et du grand patronat n’ont donc pas changé, le Parti socialiste suisse (PSS) s’y est rallié et a même largement contribué à son élaboration. Il motive son soutien aux cadeaux fiscaux par ladite « contrepartie sociale » que constituerait le financement de l’AVS intégré à la réforme et les « améliorations » du volet fiscal qu’il se targue d’avoir obtenu.
Malgré ce soutien du PSS à RFFA, le rejet net du projet de réforme des retraites PV 2020 en 2018 nous indique qu’il est possible de gagner des batailles sociales, malgré les retournements de la social–démocratie. C’est notamment sur le même sentiment d’injustice que peuvent s’appuyer les opposant·e·s à RFFA.
À trente jours du vote, RFFA semble recueillir une courte majorité. Mais il faut rappeler que c’était aussi le cas de la RIE 3 et de PV 2020. Et les mêmes sondages estiment que plus de « 65% des personnes interrogées déplorent le regroupement de deux thèmes (fiscalité des entreprises et AVS) dans un seul paquet ». Le caractère antidémocratique de ce paquet devra donc être mis en évidence durant les semaines qui viennent.
Enfin, il est également décisif de s’adresser à la jeunesse mobilisée dans le mouvement de Grève du climat, en soulignant les conséquences écologiques catastrophiques de la RFFA. Pour entamer la transition écologique, les collectivités publiques ont besoin de moyens financiers considérables, que la RFFA leur retira par les pertes qu’elle va engendrer.
Refus des injustices fiscales, paquet antidémocratique et conséquences écologiques sont peut-être, avec le renforcement des inégalités femmes-hommes que provoquera RFFA (solidaritéS, nº 344), les clés d’une victoire encore difficile à percevoir. Mais quel que soit le résultat qui sortira des urnes le 19 mai, il est crucial de mener cette bataille jusqu’au bout et de toutes nos forces. En cas d’échec, elle aura été décisive pour maintenir un pôle de résistance contre le paradis fiscal helvétique. En cas de victoire du non, elle pourrait ouvrir la perspective de campagnes offensives sur le front de la justice fiscale et, partant, de la répartition des richesses en Suisse.
Pierre Conscience