Élections fédérales 

En Suisse, rien de nouveau?

Les élections fédérales du 20 octobre dernier ont-elles vraiment bouleversé le paysage politique suisse? On ne peut nier une certaine prise de conscience écologique et féministe au sein de la population. Mais on ne peut pas non plus ignorer le fort taux d’abstentionnisme.

Regula Rytz
Regula Rytz, présidente des Vert·e·s suisses et Lisa Mazzone, probable future conseillère aux États, lors de la grève des femmes du 14 juin.

Pour de nombreux·euses observateurs·rices de la vie politique institutionnelle suisse, les élections fédérales du 20 octobre dernier ont marqué un tournant majeur dans l’histoire du pays. La vague verte tant annoncée semble avoir tout emporté sur son passage, avec 17 sièges supplémentaires pour les Vert·e·s et 9 élu·e·s de plus pour le parti Vert’libéral.

Les femmes n’ont, elles, jamais été aussi nombreuses au Conseil national, occupant 84 des 200 sièges de la chambre basse, soit 20 sièges de plus qu’au terme de la campagne de 2015, Ceci prouve que la question de la place des femmes dans les lieux de pouvoir a gagné du terrain à la suite des mobilisations de la grève féministe.

Plus spécifiquement, nous pouvons nous réjouir de la poussée de la gauche radicale dans le canton de Genève. Les listes Ensemble à Gauche, grâce à l’engagement sans faille de leurs candidat·e·s et militant·e·s, décroche un siège au Conseil national. Néanmoins, cette inscription sociale de la gauche de la gauche reste trop localisée. Cette élection reflète en partie notre difficulté à exister politiquement au niveau national. Aucun siège à gauche du PS et des Vert·e·s n’a été obtenu en Suisse alémanique. Renforcer les liens de la gauche radicale au niveau national doit rester une priorité au-delà de ces échéances électorales, et particulièrement au sein des mobilisations qui traversent actuellement le pays.

De leur côté, les partis de droite subissent un revers certain, particulièrement marqué pour l’UDC qui perd 12 sièges au Conseil national. Le parti socialiste accuse également le coup, en cédant 4 sièges au Conseil national. On aimerait y voir une sanction de leur soutien aux réformes antisociales de ces quatre dernières années – PV 2020 et RIE 3/RFFA en tête.

Des équilibres déstabilisés?

On ne peut donc pas sous-estimer l’évolution par rapport aux élections de 2015. Une certaine prise de conscience de l’urgence écologique à laquelle nous sommes confronté·e·s a joué un rôle dans ces résultats, et c’est une bonne nouvelle.

Mais l’UDC demeure le premier parti de suisse et le Conseil national reste dominé par une majorité de droite solide. Dans ce contexte, il y a fort à parier que la vague verte ne produise pas le tsunami écologique annoncé par les médias dans les 4 années à venir. Les élu·e·s vert·e·s n’ont jusqu’ici pas défendu une politique d’opposition frontale aux projets de la droite libérale et antisociale dans les différents parlements où ils siègent. Et leur institutionnalisation va s’accélérer. Il suffit de voir leur empressement à aller avaler des couleuvres au Conseil fédéral. Il nous faudra, à l’unisson des mouvements de la grève du climat, mettre ces élu·e·s face à leurs contradictions quand des choix importants devront être faits pour répondre à l’urgence climatique.

L’abstention: une majorité pas si silencieuse

Le taux de participation de 45,1%, contre 48,5% en 2015 envoie un message clair. Une part toujours plus grande des personnes qui possèdent le droit de vote se désintéresse et se détourne de ces échéances électorales. Les jeunes de la grève du climat se sont exprimé·e·s très clairement dans un article du Temps publié le 23 octobre dernier ; ils et elles ne placent que peu de confiance dans la politique institutionnelle des petits pas et des compromis. Quant aux collectifs de la grève féministe, ils ne se sont que très peu investis dans la campagne électorale. Ces six derniers mois, les institutions politiques ont, bien souvent, soit ignoré, soit vidé de leur contenu les revendications de ces mouvements. Il semblerait qu’elles en paient aujourd’hui un peu le prix.

En parallèle, ces mouvements réinventent de nouvelles manières de faire de la politique, loin des sièges confortables des parlements. On peut évoquer l’Assemblée citoyenne pour la sauvegarde de la forêt du Flon qui s’est déroulée samedi 26 octobre à Lausanne. Ici, pas besoin d’une campagne à plusieurs millions de francs ou d’un bout de papier certifiant sa nationalité pour faire entendre sa voix. C’est avant tout sur ces initiatives que nous devons concentrer nos forces.

En tant que militant·e·s anticapitalistes, on ne peut et on ne doit pas attendre de changement radical dans la politique institutionnelle fédérale pour les quatre années à venir. La présence de la gauche radicale à Berne constitue bien sur un élément important pour défendre nos propositions et porter les revendications des mouvements dans lesquels nous nous investissons mais nous devrons surtout continuer de mener des luttes quotidiennes sur nos lieux de travail et d’étude et au sein des mouvements de la grève féministe et de la grève du climat.

Noémie Rentsch