Pour la défense de sa dignité, Radhia Nasraoui en grève de la faim
Pour la défense de sa dignité, Radhia Nasraoui en grève de la faim
La célèbre avocate et infatigable défenseuse des droits humains Radhia Nasraoui, a entamé une grève de la faim depuis le 15 octobre 2003. Pour la défense de sa dignité, en tant quavocate et en tant que citoyenne. Aujourdhui, elle en est à sa cinquième semaine et deux hospitalisations durgence, et toujours peu de répondant du côté des autorités. Alors que se mobilisent à ses côtés ses confrères et consurs ainsi que lopposition des démocrates tunisiens, les soutiens multiples viennent aussi dEurope, et de Suisse. Ci-dessous, nous publions son appel. Atteinte hier par téléphone, elle semble forte et déterminée, égale à elle-même. Mais le temps presse (ac)
La pression, exercée par la police politique sur mes clients afin de les intimider et de les dissuader de recourir à mes services, na pas cessé à ce jour. Ainsi que la surveillance de mon cabinet, qui, on le sait, a été saccagé plus dune fois par la même police, et dont des meubles et des dossiers ont été volés. Pis encore, la police, qui assiège mon bureau, nhésite pas, de temps en temps, à empêcher mes clients dy accéder. Dun autre côté, je fais lobjet, à loccasion de mes déplacements à létranger, de provocations multiples, telles que la fouille systématique de ma valise et la confiscation de mes livres et revues. Plus grave encore, les douaniers tentent, à chaque fois, et sous le contrôle des agents de la police politique, de saisir les dossiers de mes clients résidant à létranger, violant de la sorte, les règles les plus élémentaires de la loi protégeant le secret de la profession.
Sur un autre plan, la police politique ne cesse de surveiller ma maison, dans le but évident de terroriser mes filles et dintimider ceux parmi mes parents et amis qui osent nous rendre visite. Si les autorités prenaient, auparavant, prétexte de la recherche de mon mari, alors vivant dans la clandestinité, pour justifier cette surveillance, sa libération et son retour à la vie «normale» nont nullement réduit la présence de la police aux abords de mon domicile.
De même, ma ligne téléphonique est, dune façon continuelle, sur écoute; elle est coupée chaque fois que la police le juge bon. Celle-ci na pas hésité, depuis plus dune année, à empêcher tout contact téléphonique, à partit de Tunis, avec ma fille, étudiant en France et ma sur, résidant dans ce même pays. Les autorités continuent à intercepter mon courrier et à saisir les documents qui les «intéressent», même sils ont un caractère professionnel.
Il est à rappeler que la police politique ma physiquement agressée, le 13 juillet 2003, sans que le parquet, auprès duquel jai déposé une plainte à ce sujet plainte enregistrée sous le n° 7029710-2003 ait encore ordonné une enquête.
A chaque fois que jai fait lobjet de dépassements et de pratiques illégales, jen ai informé non seulement le Bâtonnier et les structures de défense de la profession qui sont venus, sur-le-champ en faire le constat; mais aussi les militants des droits humains et de lopposition politique démocratique. Malheureusement les démarches accomplies auprès des autorités pour que de pareilles pratiques ne se reproduisent plus, nont donné aucun résultat. Ce qui donne, encore une fois la preuve que la police politique, en agissant ainsi, ne fait, en réalité, quappliquer des ordres venant den haut et quelle bénéficie dune totale impunité.
Devant cette situation, et dans la mesure où les démarches que jai entreprises sont restées vaines, je me trouve contrainte dentreprendre une grève de la faim pour défendre ma dignité de citoyenne et davocate, ainsi que le droit de ma famille, et, surtout mes filles, à vivre loin de toute forme de harcèlement.
Au moment où jentame cette action, je fais appel à la solidarité agissante de mes consurs et confrères et au soutien actif de lopinion publique, nationale et internationale, pour obtenir que soit:
- mis fin aux pressions continuellement exercées sur mes clients;
- ordonnées des poursuites sérieuses au sujet des plaintes que jai déposées concernant les actes de vandalisme dont mon cabinet a fait lobjet et les actes dagression que jai subis.
- mis fin à la surveillance continuelle de mon bureau et de mon domicile, ainsi quaux pressions exercées sur les membres de ma famille, dont certains sont privés du droit au travail, du fait même de leur parenté avec moi;
- me soit permis de récupérer les documents, équipements et meubles qui ont été carrément volés de mon bureau par la police politique;
- me soient restitués tous les livres, revues et documents qui ont été arbitrairement confisqués par les services de la douane de laéroport;
- mis fin à la saisie de mon courrier, à lécoute de mes communications téléphoniques et la coupure des lignes téléphoniques de ma fille et de ma sur.
Radhia NASRAOUI
Tunis, le 15 octobre 2003