La matraque comme remède

Les classes dirigeantes à travers le monde exploitent la crise provoquée par la pandémie de Covid-19 pour approfondir les pratiques étatiques autoritaires et répressives.

Ursula von der Leyen survole de la frontière grecquo turque
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, survole la frontière grecquo-turque, mars 2020.

Les classes dirigeantes utilisent souvent les crises ou les évènements dramatiques pour remettre en cause les droits fondamentaux, renforcer leurs pouvoirs et imposer davantage de répressions et de contrôle sur les classes populaires. Le premier ministre hongrois, Viktor Orbán, a par exemple obtenu le feu vert du parlement pour légiférer par ordonnances dans le cadre d’un état d’urgence à durée indéterminée pour « combattre » le coronavirus. Il s’agit pourtant rarement de mesures « temporaires ».  

Des mesures « exceptionnelles » qui perdurent

À la suite des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, les « mesures d’exception » prises dans le cadre du Patriot Act, qui a officiellement pris fin en 2016, ont été intégrées dans l’arsenal légal. La surveillance de masse et les assassinats ciblés à l’étranger sont toujours pratiqués. La prison de Guantánamo est toujours ouverte. 

De même, en France, les « dispositions d’exception » prises durant l’état d’urgence au lendemain des attentats terroristes de novembre 2015 appartiennent désormais au droit commun.

La lutte contre le Covid-19 sert de prétexte à de nombreux gouvernements pour intensifier la surveillance numérique. Les compagnies actives dans le domaine profitent de l’occasion pour promouvoir leurs services tous azimuts. Par exemple, la compagnie israélienne NSO Group promeut massivement son nouveau produit qui vise à aider les États à traquer les personnes infectées par le coronavirus afin de freiner sa propagation. En réalité, cet outil est une simple adaptation d’un programme déjà vendu à de nombreux régimes autoritaires. Ces derniers l’utilisent pour pourchasser leurs opposant·e·s et faire taire toute critique. 

Ce renforcement des moyens de surveillance et de répression frappe bien sûr de manière disproportionnée les classes populaires, et particulièrement les personnes racisées.

Augmentation de la répression 

À travers le monde, la répression étatique contre les contrevenant·e·s aux mesures de confinements ont augmenté de manière considérable. Dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, comme au Kenya ou en Afrique du Sud, les violences policières se sont multipliées contre les populations précarisées et sans-abris. Un adolescent kényan de 13 ans a été tué par la police dans le bidonville de Mathare, à Nairobi, pour non respect du couvre-feu nocturne. En Afrique du Sud, le gouvernement envisage de « dépeupler » 29 grands quartiers informels où vivent des dizaines de milliers de personnes.

Le président philippin Rodrigo Duterte a, de son côté, demandé aux forces de l’ordre d’abattre toute personne à l’origine de « troubles » dans les régions placées en confinement.

En Inde, la police n’a pas hésité à frapper à coups de bâton, à punir et à humilier les travailleurs·euses migrant·e·s qui ont été jeté·e·s sur les routes, poussé·e·s à quitter les villes car privé·e·s de tout revenu à cause des mesures de confinement. La liberté d’information est également attaquée par une décision de la Cour suprême indienne. Cette décision impose aux médias de ne désormais relayer que les informations officielles sur la pandémie. Des techniques de surveillance des citoyen·ne·s confiné·e·s au moyen de caméras, d’applications et de géolocalisation des téléphones sont également développé dans certaines provinces.

Les réfugié·e·s et migrant·e·s sont également la cible de mesures autoritaires et répressives dans plusieurs pays, y compris en Grèce avec le soutien de l’Union européenne. Le gouvernement turc a, lui, abandonné temporairement sa politique d’ouverture des frontières pour les réfugié·e·s qui voudraient rejoindre l’Europe. Il a ordonné l’évacuation du camp qui s’était formé à la frontière gréco-turque. Les autorités turques ont ensuite forcé les réfugié·e·s à quitter les lieux en brûlant les tentes et les ont ramené·e·s dans des centres de rétention où ils·elles seront mis·es en quarantaine pendant deux semaines. 

Limiter le droit à l’information 

La limitation de la liberté du droit à l’information est également étendue, comme on a pu le constater en Chine ou en Russie, avec des arrestations et du harcèlement contre toutes personnes qui partagent des informations sur le coronavirus ne suivant pas la ligne officielle des autorités. En Égypte, le pouvoir a ciblé des médias et arrêté des activistes qui mettaient en doute les bilans officiels de contaminations, tout en brandissant la menace de lourdes amendes et peines de prison pour les contrevenant·e·s aux mesures de confinements. 

Luttons ici et ailleurs contre la tentative des classes dirigeantes d’exploiter la pandémie de Covid-19 à des fins autoritaires. Ces politiques s’inscrivent dans un processus constant d’affaiblissement des droits démocratiques. Leur objectif est un meilleur contrôle et une meilleure exploitation des classes populaires.

Joe Daher