Pourquoi un système de santé publique ?
Notre critique des incohérences des autorités politiques et de santé durant la crise du Covid doit se fonder sur des revendications pour un système public de santé global, comme fondement d’une société juste et solidaire.
En Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas, des mouvements d’extrême droite conduisent les manifestations publiques contre les autorités. Si les manifestant·e·s recouvrent un spectre assez large et expriment d’autres tendances idéologiques (naturalistes et religieuses notamment), et un grand désarroi face aux errements des politiques sanitaires, le dénominateur commun reste majoritairement une méfiance par rapport au secteur public et une adhésion à une approche individualiste ou économiciste des questions sanitaires. Par exemple, en Suisse, onze conseillers·ères nationaux·ales non-vacciné·e·s sur douze sont membres de l’UDC.
Ces mouvements défendent une idéologie néolibérale classique en s’opposant à toute intervention publique dans un domaine considéré comme relevant principalement, voire exclusivement, du domaine privé.
En évoquant les « ségrégations », les mouvements anti-vaccins ignorent les conditions sociales. Or le temps et les conditions de travail, la motivation et le sens du travail, les déplacements professionnels, l’aménagement du territoire sont des composantes majeures de notre état de santé. Mêmes observations pour les conditions de logement et d’alimentation, le revenu réel, les loisirs et le temps libre. Le cadre d’une politique publique de santé dépasse donc largement le cadre du choix individuel d’un médecin, d’un médicament … ou d’une terrasse ! Les grandes ségrégations restent avant tout sociales et ne se réduisent pas à un état individuel, ou à la « liberté » ou au « droit » de choisir.
L’exemple du NHS
Lorsque le nouveau système de santé public (NHS) a été créé au Royaume-Uni en 1948, il introduisait les principes suivants : répondre aux besoins de chacun·e ; être entièrement gratuit et être basé sur les besoins médicaux et non sur la capacité du·de la patient·e à payer.
À partir de ce modèle, plusieurs aspects sont à considérer : prévention, soins, recherche, contrôle par les employé·e·s.
1 La prévention, dans une politique de santé holistique devrait être basée sur la multitude d’éléments qui entrent en ligne de compte : la prévention médicale, l’état de santé général (l’alimentation, le travail, le logement, les loisirs, le temps libre), l’éducation permanente sur tous les aspects scientifiques des maladies, du système immunitaire, de l’histoire des sciences (avec leurs réussites et leurs échecs), l’accès libre aux publications scientifiques, l’étude des différentes écoles médicales (« traditionnelles » et « alternatives » pour simplifier).
2 Les soins nécessitent un grand nombre d’infrastructures médicales (dispensaires, hôpitaux, pharmacies) et services (soins à domicile, centres psycho-sociaux) avec un maillage géographique très proche de toutes les populations. Ces infrastructures doivent bénéficier d’un personnel qualifié suffisant, bénéficiant de bonnes conditions de travail et d’une formation continue. Les soins ne doivent pas être appliqués avec une logique industrielle de rationalisation et d’économies. L’usage des médicaments et leurs traitements doivent également être transparents et ouverts à la critique en tenant compte des diverses expériences historiques.
3 Le contrôle public des finances et la planification de toute l’industrie médicale (médicaments, équipements, recherche) est indispensable pour sortir tous ces secteurs vitaux de la logique du profit privé et permettre de définir et planifier des priorités. Cela doit s’accompagner par la fin des brevets, par une transparence complète sur toutes les recherches ainsi que l’intégration d’autres médecines et d’autres sources de connaissances que celles issues des grands laboratoires. La fin de la recherche et de la fabrication des armes chimiques et bactériologiques libérerait aussi d’immenses ressources à réattribuer à la santé et éviterait de grands risques sanitaires.
4 L’extension des droits des travailleurs·euses des secteurs de la santé, de l’industrie pharmaceutique et chimique rendraient possibles des contrôles étendus et permanents de la production, ce qui permettrait d’agir de manière préventive sur la préservation de l’environnement et de la biodiversité, la pollution de l’air, des eaux, de la nourriture et de l’habitat. Ainsi serait garanti un contrôle public plus large de toute la population.
À l’évidence, les oppositions vaccinales d’extrême droite ne peuvent être combattues par des arguments médicaux et de santé publique, ou par une information accrue. Si ces groupes demeurent numériquement trop importants, l’éradication de n’importe quel virus est impossible. Cela représente une menace sanitaire. S’imposera alors l’obligation de vaccination. L’Autriche et l’Allemagne se préparent déjà à l’appliquer.
José Sanchez