Inde

Le gigantesque confinement punitif

Comment imaginer le confinement d’un pays de plus d’un milliard d’habitant·e·s, où les inégalités entre les niveaux de vie sont abyssales ? 

Patrouille coronavirus en Inde

Le 24 mars 2020, le Premier ministre Modi a annoncé le confinement de l’Inde et de ses 1,3 milliards d’habitant·e·s et l’instauration d’un couvre-feu. Quatre heures plus tard, les marchés étaient fermés et tous les moyens de transport publics et privés interdits.

Le dévoilement d’un système social inégalitaire

Ce confinement abrupt a révélé encore plus crûment le système social inégalitaire dans lequel se trouve l’Inde. Tandis que boutiques, restaurants, usines et chantiers fermaient leurs portes et que les classes aisées se claquemuraient dans leurs résidences, les mégapoles se sont mises à rejeter leurs ouvriers·ères et travailleurs·euses migrant·e·s comme autant d’excédents indésirables.

Des millions de personnes appauvries, affamées, et pour la plupart congédiées par leurs employeurs·euses et propriétaires, entamèrent une longue marche de retour vers leurs villages, souvent à des centaines de kilomètres de leur point de départ. Certain·e·s d’entre eux·elles sont mort·e·s en cours de route.

Quelques jours plus tard, inquiet à l’idée que cette population puisse répandre le virus dans les campagnes, le gouvernement a donné l’ordre de fermer les frontières interétatiques et ceux·celles qui marchaient depuis si longtemps ont été obligés de rebrousser chemin vers des camps dans les villes qu’ils·elles avaient été forcé·e·s de quitter.

Le 27 avril, le pays comptabilisait 28 000 cas et plus de 800 mort·e·s de la pandémie. Ces chiffres sont probablement sous-évalués, étant donné le nombre dramatiquement bas de tests effectués. Le système de santé est déjà incapable de répondre à la demande en temps normal. Impossible pour lui d’affronter une crise similaire à celle qu’affrontent l’Europe et les États-Unis.

Un confinement encore prolongé

Le 14 avril dernier, Modi a annoncé le prolongement du confinement jusqu’au 3 mai. Cette décision ne s’est malheureusement pas accompagnée d’un plan d’aide d’urgence digne de ce nom pour lutter contre la pandémie et les conséquences du confinement. Des centaines de millions de personnes dépendent pourtant de la mise en place de mesures, notamment en matière de distribution alimentaire. 

Aude Martenot
Cet article se base sur une tribune d’Arundhati Roy, publiée dans le journal le Monde le 6 avril 2020.