Inde

Le retour impossible

Des millions de travailleurs·euses migrant·e·s indien·ne·s ont tenté de regagner leurs villages quand le pays est entré en confinement. Sans salaire, sans transport, sans emploi, sans aide du gouvernement. Beaucoup d’entre eux·elles sont mort·e·s sur la route.

Travailleurs-euses migrant-e-s pendant l^épidémie de Covid-19

La croissance économique inégale de l’Inde au cours des 30 dernières années a vu se développer une énorme vague de migration interétatique à la recherche de travail, généralement temporaire. La loi fédérale réglementant le mouvement de cette main-d’œuvre d’un État à l’autre exige que la main-d’œuvre migrante soit enregistrée, qu’elle reçoive de la nourriture, une pension, un logement et une allocation de retour une fois le travail terminé. Mais ces conditions sont peu respectées pour les 139 millions de migrant·e·s interétatiques indien·ne·s, soit près de 10 % de sa population. 

Se déplacer : une question de survie

Une enquête menée en avril passé dans toute l’Inde a révélé que 96 % des migrant·e·s ne recevaient pas de rations du gouvernement et que 90 % n’étaient pas payés. En conséquence, beaucoup de ces travailleurs·euses ont commencé à marcher des centaines de kilomètres pour rentrer chez eux·elles, devenant ainsi vecteur·trice de contagion.

À ce jour, plus de 500 personnes sont décédées en essayant de rentrer chez elles. Le 8 mai, seize travailleurs d’un groupe de vingt personnes sont morts écrasés par un train de marchandises. Ils s’étaient endormis sur les rails, pensant que les services ferroviaires étaient fermés. 

Les atteintes aux droits humains et à la justice sociale, au mépris de la Constitution, risquent de s’étendre. L’Uttar Pradesh (l’État indien le plus peuplé) a approuvé une ordonnance suspendant pour trois ans 35 des 38 lois sur le travail. Au moins sept États ont augmenté la durée maximale de travail de 48 à 72 heures par semaine.

Le 22 mai, une journée de protestation nationale a été observée par tous les syndicats, sauf celui affilié au parti au pouvoir, pour exiger le retrait des changements draconiens apportés au droit du travail. Le 27 mai, le syndicat des agriculteurs et des travailleurs agricoles, AIKSCC, a organisé des manifestations dans différentes régions du pays. 

Leurs revendications comprenaient notamment l’indemnisation des pertes de récoltes, l’achat de la totalité des produits agricoles, y compris les récoltes invendues, à un prix rémunérateur par les agences gouvernementales.

Mary Mathai