Palestine

Non à l’annexion des territoires occupés

Le gouvernement israélien promet, avec le soutien de l’administration Trump et le silence complice de l’Union européenne, d’engager dès le 1er juillet l’annexion d’une grande partie des territoires palestiniens occupés de Cisjordanie en violation flagrante du droit international. 

Manifestation à Gaza, 1er juillet 2020
Plus de 100 000 personnes ont manifesté à Gaza mercredi 1er juillet 2020.

Cette annexion s’inscrit dans la mise en œuvre du plan étasunien présenté comme « le deal du siècle » en janvier 2020, qui prévoit une solution à « deux États », mais dans laquelle l’État palestinien démilitarisé serait établi sur un territoire réduit, sans Jérusalem-Est pour capitale et à certaines conditions (solidaritéS nº 363). Ce plan est rejeté en bloc par toutes les parties palestiniennes. La Ligue des États arabes a condamné ce plan, mais les processus de normalisations entre Israël et plusieurs pays de la région, en particulier des monarchies du Golfe, se poursuivent. 

Plaine agricole militarisée aux ressources aquifères, la vallée du Jourdain qu’Israël souhaite annexer est une langue de terre stratégique comptant pour environ 30 % de la Cisjordanie occupée (hors Jérusalem-Est) et située le long de la frontière jordanienne. Elle est également convoitée pour son industrie agricole et ses ressources en eau dans cette région semi-désertique. C’est dans cette vallée que les autorités israéliennes ont conduit le plus de démolitions depuis 2009, détruisant environ 2400 constructions de Palestinien·ne·s.

Le gouvernement israélien a très clairement annoncé que les Palestinien·ne·s vivant dans les zones qu’il annexera ne recevront pas la citoyenneté et auront un statut inférieur.  Ce constat rappelle que l’apartheid existe déjà au travers d’un réseau d’infrastructures, de lois et de pratiques discriminatoires. 

Environ 10 000 des 450 000 colon·e·s israélien·ne·s établi·e·s en Cisjordanie occupée (trois fois plus que lors de la signature des accords d’Oslo) et 65 000 Palestinien·ne·s vivent dans la vallée du Jourdain. À Jéricho, des manifestations populaires massives ont lieu depuis le 19 juin sous les slogans « Pas d’État palestinien sans la vallée du Jourdain » ou « La Palestine n’est pas à vendre ». À noter également, une manifestation de six mille personnes le samedi 2 dans la ville de Tel-Aviv – Israélien·ne·s et Palestinien·ne·s de citoyenneté israélienne – pour contester le plan d’annexion du gouvernement israélien.

L’État colonial et d’apartheid d’Israël considère cette plaine, coincée entre deux massifs désertiques, comme essentielle à sa sécurité, car elle lui permet de limiter les frontières des territoires occupés palestiniens et donc de possibles infiltrations. Par ailleurs, l’armée d’occupation israélienne lui voit une fonction de zone tampon, peu peuplée, en cas d’attaques terrestres de ses voisins.

La majeure partie de la vallée du Jourdain est déjà administrée par les forces d’occupation d’Israël. Elle fait partie de la zone dite C de la Cisjordanie, selon les accords d’Oslo qui encadrent les relations entre l’Autorité palestinienne et l’État israélien depuis les années 1990. La zone C, sous contrôle civil et sécuritaire israélien, compte pour environ 60 % de l’ensemble du territoire de la Cisjordanie. 

Un projet : expulser les Palestinien·ne·s

Pour l’État israélien, les colonies annexées, illégales au niveau du droit international, deviendraient des localités d’Israël, et c’est là tout le problème. Israël complèterait finalement son annexion de la Cisjordanie en construisant des colonies illégales sur des terres volées, les incorporant à son propre territoire. Des organismes internationaux pourraient les dénoncer, mais elles auraient rapidement le même statut que Jérusalem-Est, et Israël aurait les mains libres. Les résident·e·s de Jérusalem-Est ne disposent que de droits partiels, très souvent bafoués, et avec pour objectif final pour les autorités israéliennes d’encourager un départ des populations locales palestiniennes.

Netanyahou entend officialiser l’annexion de certaines parties de la Cisjordanie, sans les Palestinien·ne·s qui y vivent. C’est son scénario rêvé. Cette mesure ne pourra que renforcer l’exclusion des Palestinien·ne·s en légalisant une modification par la force des frontières par un transfert des populations (condamné par le droit international) ou par la légalisation du régime d’apartheid existant déjà de fait.

L’exclusion et le contrôle ont toujours été les caractéristiques essentielles du sionisme depuis sa fondation, les éléments constitutifs de la géographie du pays. L’objectif d’un pays exclusivement juif hébergeant d’autres groupes a mené à la réalité d’une oppression sans fin pour les populations palestiniennes. Le sionisme ne leur a offert qu’une alternative au régime d’apartheid et colonial: l’expulsion et l’exil. Netanyahou a déclaré l’année dernière qu’« Israël n’est pas un État pour tous ses citoyens », tandis que le « deal du siècle » étasunien a proposé le transfert des populations palestiniennes vers une future entité étatique palestinienne.

Ces déclarations annexionnistes de larges portions de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par l’État d’Israël depuis 53 ans, représentent une nouvelle vague du nettoyage ethnique qu’opère le colonisateur israélien à l’encontre du peuple palestinien depuis 1948. 

Joseph Daher