Chine

Au croisement des incertitudes

La Chine de Xi Jinping est confrontée à des incertitudes intérieures aussi bien qu’extérieures. Sa réaction actuelle conduit à une escalade des tensions, sur fond de menaces de relocalisations économiques.

Répression policière Hong Kong, 1er juillet 2020
Hong Kong, 1er juillet 2020. Les premières arrestations ont commencé à un jour après l’adoption de la loi sur la sécurité.

La publication par le Département d’État étasunien d’une liste d’entreprises chinoises, décrites comme menaçant la sécurité des États-Unis, est le dernier épisode de la guerre commerciale engagée par Trump contre les importations chinoises.

Pour ces sociétés, le risque est la perte de marchés importants sur le plan international. Le cas de Huawei, fabricant d’équipements de télécommunication, est ainsi élargi à d’autres secteurs industriels. Les USA pourront ainsi contraindre tous les clients étasuniens de cette liste à renoncer à des commandes. 

Affaibli sur le plan intérieur, Trump a impérativement besoin d’épouvantails pour électriser sa base en vue de sa réélection. Découpler l’économie étasunienne des fournitures et des commandes chinoises est aujourd’hui impossible. Le déficit de la balance commerciale étasunienne est tel qu’il ne peut être comblé par un rapatriement industriel à court terme. La guerre commerciale vise surtout à entraver l’industrie chinoise en lui fermant des marchés de la haute technologie. Car la Chine, malgré tous ses progrès scientifiques, est encore en retard dans certains secteurs clés de l’électronique et des semi-conducteurs. Ces secteurs sont dominés par des sociétés basées à Taiwan et en Corée du Sud (Samsung).

La rupture spectaculaire des discussions entre les deux Corée fait partie de ce jeu de pressions. En détruisant ouvertement l’édifice qui accueillait les délégations de négociation, la Chine, par l’intermédiaire de Pyongyang, envoie un avertissement.

Pas d’apaisement à Hong Kong

Après les mobilisations de 2019, dont les manifestations du 9 et 16 juin qui avaient rassemblé 1 et 2 millions de manifestant·e·s à Hong Kong, la reprise en main est à l’ordre du jour. Profitant de la situation sanitaire, l’Assemblée nationale populaire propose d’assimiler toute contestation de l’autorité de Pékin à des actes terroristes par une loi visant « à sauvegarder la sécurité nationale ». L’objectif est de dissuader la reprise des mobilisations de masse et d’isoler les courants les plus déterminés du reste de la population. Cela signifierait la fin du « haut degré d’autonomie » promis en 1997 lors de la rétrocession de Hong Kong. 

Dès lors, les confrontations deviendront inévitables et la répression accrue, avec la possibilité d’une irruption des forces policières et armées chinoises. Ce geste d’hostilité sans précédent est inquiétant et constitue un désaveu des autorités locales de Hong Kong.

L’extension de l’hégémonie chinoise a rencontré l’opposition active de l’Inde. Des projets d’investissement dans quelques pays d’Asie ont été freinés ou annulés par la pression de l’autre grande puissance asiatique. Le nationalisme indien de Modi se nourrit aussi de la crainte de l’expansion chinoise. Le conflit n’est pas seulement politique et économique. Les deux pays sont en guerre de faible intensité sur leur frontière commune et se disputent des territoires. Un affrontement meurtrier entre les deux armées s’est déroulé début juin.

La gestion de la crise sanitaire a globalement affaibli la position de la Chine. La diplomatie du masque n’a pas empêché les critiques sur l’attitude des autorités politiques (manipulation des chiffres, soumission du corps médical). Xi Jinping a encore renforcé l’emprise de l’appareil politique du PCC sur l’ensemble de la société et stimulé le nationalisme.

Dans son rapport devant la 13e Assemblée du peuple en mai, le gouvernement a renoncé à présenter un chiffre de croissance pour cette année, alors qu’elle a reculé de 6,8 % au premier trimestre. Cette absence de prévision reflète les difficultés économiques internes. Sur le plan intérieur, un plan de relance équivalent à 481 milliards d’euros a été approuvé.

Quelles relocalisations ?

Durant la crise du Covid-19, la dépendance de nombreux secteurs de la production vis-à-vis de l’industrie chinoise a été dénoncée. La relocalisation est devenue un sujet dans certains pays. Le Japon a commencé à subventionner des départs de la Chine. La Corée du Sud, quatrième économie asiatique, fait de même. Or Pékin est son premier partenaire commercial.

Pour les capitalistes, le dilemme est : faut-il continuer à produire en Chine, au bénéfice de conditions favorables (faibles salaires, « paix sociale », niveau de formation), et s’exposer aux sanctions américaines et aux droits de douane ou exploiter cette situation pour reconstruire un appareil productif en profitant de subventions publiques et de formes de protectionnisme. Dans ce cas, des rétorsions chinoises pourraient se produire, au niveau économique mais aussi militaire. Le budget militaire chinois pour 2020 a été augmenté de 6,6 %.

José Sanchez