Le mirage du nucléaire

Remplacer la production énergétique issue des matières fossiles par l’énergie nucléaire est parfois présenté comme une alternative crédible voire nécessaire, par exemple par les scénarios du GIEC. La production d’électricité pourrait ainsi respecter les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, et éviter de dépasser l’augmentation de 1,5 °C. Vraiment ?

Mine d’uranium, Australie, 1997
Parc national Kakadou, site de la mine d’uranium Jabiluka, en Australie, 1997

Solution à court terme ?

La production nucléaire est extrêmement centralisée et possède de grandes capacités énergétiques. Est-elle une solution rapide ? Les constructions des trois sites d’EPR en France, en Angleterre et en Finlande ont révélé au contraire d’immenses difficultés de construction. Les retards de mise en service sont actuellement de 11 à 13 ans. Les coûts initiaux ont aussi explosé, multipliés par un facteur 3 ou 4. La génération d’EPR, censée remplacer les centrales existantes, a surtout démontré l’inaptitude de cette technologie, et cela uniquement pour la mettre en service.

Chèque en blanc au productivisme ?

Les partisan·ne·s du nucléaire se soucient avant tout d’avoir une grande source de production. Le modèle économique capitaliste actuel pourrait ainsi bénéficier d’un remplacement énergétique presque équivalent et éviter une remise en cause fondamentale sur le type de production et de consommation. Le nucléaire remplaçant le pétrole et le gaz, cela représente simplement une substitution, pas une réduction de la consommation. En se focalisant uniquement sur les émissions de gaz à effet de serre, les partisan·ne·s du nucléaire vont ainsi donner une libre issue au développement du capitalisme et de toutes ses conséquences néfastes.

Ignorer le risque d’accident ?

Le dernier grave accident d’une installation nucléaire s’est produit au Japon en 2011. Même si cette probabilité est très faible, les conséquences seront dévastatrices. Les zones contaminées par la radioactivité deviennent invivables pour de très longues périodes. L’exposition aux rayonnements détruit ou abîme les êtres vivants. C’est un risque qu’une société ne doit décemment pas prendre. Le cynisme des partisans du nucléaire est anti-humaniste.

Allonger la durée de vie des centrales actuelles accroît ces risques. Ainsi au fil du temps leur sécurité se réduit et l’entretien devient de plus en plus onéreux.

Et les déchets ?

Ce même cynisme se retrouve dans les solutions concernant le traitement des déchets hautement radioactifs des centrales en activité et à l’arrêt. Cette montagne de matière est intraitable. Les solutions d’enterrement spéculent sur une stabilité des terrains que personne ne peut garantir. Tout simplement parce que cela implique de connaître le comportement géohydraulique sur des centaines, voire des milliers d’années. Avec des déchets dont le rayonnement modifie les propriétés des matières qui les entourent.

Nous avons déjà sur les bras des stocks considérables à entreposer et à surveiller en permanence. Les solutions d’enterrement dans d’anciennes mines ou des entrepôts souterrains sont à bannir. Seul un stockage en surface, notamment dans les anciens sites des centrales, pourra permettre une surveillance continue et active.

Réduire massivement la consommation d’énergie grâce à une réduction de la production marchande, produire l’essentiel de cette énergie par de nouvelles techniques (solaire, marée, éolien) présentent une meilleure alternative que l’aventure atomique.

José Sanchez

Pas de fuite en avant !

«La troisième famille est celle d’une technologie dont l’humanité a déjà expérimenté le grand danger trois fois dans la version civile et une fois dans la version militaire : la fission nucléaire qui produit de l’électricité pour la société et du plutonium pour l’armée. Les quatre scénarios du GIEC y recourent tous massivement. 

Par rapport à 2010, la part du nucléaire dans la consommation primaire en 2030 augmentera de 59, 83, 98 et 106 %, respectivement dans les scénarios I, II, III et IV. En 2050, ce sera 150, 98, 501 et 468 %. La part du nucléaire dans l’énergie primaire était en 2010 de 4,8 %, correspondant à 400 centrales environ. Il faudra donc construire 200 centrales supplémentaires dans le scénario I et… 1400 centrales supplémentaires dans le scénario IV. Un effort gigantesque pour une contribution fort modeste aux besoins humains, vu que les centrales nucléaires gaspillent en chaleur 70 % de l’énergie qu’elles produisent.

Le développement du nucléaire est la plus dangereuse des fuites en avant [qui découlent] de l’impossibilité pour le système de réduire la production matérielle, donc de renoncer à sa boulimie énergétique ». 

Daniel Tanuro, Trop tard pour être pessimistes, Textuel, 2020