L'UE exporte les pesticides qu'elle interdit

Le cynisme des capitalistes n’est plus à démontrer. Dans l’industrie chimique, il est à la hauteur de leurs dividendes : astronomique. Dirigeant·e·s et actionnaires sont passés maîtres dans l’art de la duplicité.

Infographie des pesticides interdits déclarés à l’exportation depuis la Suisse (2012–2019)
Pesticides interdits déclarés à l’exportation depuis la Suisse (2012–2019)

L’Union européenne (UE) fanfaronne en déclarant que sa législation concernant les substances toxiques est plus stricte que les conventions internationales. Mais comment cela se traduit-il dans la réalité ?

Une récente enquête a révélé qu’en 2018, 82 000 tonnes de pesticides interdits dans le territoire européen ont été exportés hors UE. C’est l’équivalent des pesticides consommés en France. Ce n’est donc pas un commerce marginal.

Le Royaume-Uni est le premier exportateur de ces substances et sept pays européens se répartissent 90% de cette production maudite.

Est-ce un trafic clandestin, voire illégal ? Pas le moins du monde. Les différents ministères de l’environnement nationaux et l’agence européenne des produits chimiques ont produit en bonne et due forme toutes les notifications d’exportation. C’est d’ailleurs sur l’étude de ces papiers que se fonde l’enquête. Une fois acceptés, ces certificats sont envoyés aux autorités des pays de destination. Tout le processus est donc parfaitement légal.

Syngenta first

Selon ses habitudes, la firme helvétique Syngenta se distingue à nouveau dans ce processus. Le produit le plus exporté, à base de paraquat (28 000 tonnes, soit le tiers des exportations totales), est confectionné dans son usine britannique de Huddersfield. Notons que cet herbicide est interdit en Suisse depuis 1989 et dans l’UE depuis 2007. Autre succès pour le groupe bâlois, l’atrazine. Interdite dans l’UE depuis 2007, cet herbicide continue toujours d’être produit en France et est destiné à l’Ukraine, grand grenier à blé de l’Europe.

Le premier importateur dans ce commerce mondial n’est pas un pays pauvre, mais les États-Unis. Il est suivi par le Brésil, l’Ukraine et le Japon. En effet, les principaux utilisateurs de ces produits toxiques sont aussi les grands exportateurs de produits alimentaires transformés (viande, café, jus d’oranges, soja).

Ce commerce semble très rentable puisqu’il est en augmentation. Ainsi, l’UE a autorisé à l’exportation en 2019 neuf nouveaux pesticides interdits, représentant une capacité de 8000 tonnes. Ce ne sont donc pas les pelouses privées qui sont visées.

Demeure donc une interrogation. À quoi servent les milliers de fonctionnaires de l’UE ? Un exemple supplémentaire de l’inutilité de cet immense appareil administratif et politique.
Pour nous, la conclusion doit être claire. Toute substance interdite d’usage sur le territoire de l’UE doit être interdite de fabrication. En attendant que les groupes chimiques passent sous contrôle public et soient profondément restructurés dans leur fonctionnement et leur finalité. Évidemment, aucune indemnité ne serait versée à leurs actionnaires. Juste sanction pour les crimes qu’ils provoquent.

José Sanchez

Lubrizol, Beyrouth… Face aux dangers industriels, vive l’autodéfense populaire

Voici un extrait d’un tribune parue sur le site Reporterre le 9 septembre et signée par plusieurs centaines de personnalités, militant·e·s et organisations écologistes. Les autrices·teurs ont créé Notre maison brûle, une plateforme pour une autodéfense populaire, et appellent à des rassemblements le 26 septembre, un an après la catastrophe de Rouen.

« Il est temps de se mobiliser concrètement pour :

  • Produire un savoir populaire des dangers industriels et technologiques ;
  • Empêcher l’allègement de la réglementation qui permettrait l’implantation dans des conditions inacceptables de nouveaux sites industriels ;
  • Agir pour supprimer les activités industrielles dangereuses remplaçables immédiatement ;
  • Réduire et surveiller celles dont nous ne pouvons pas nous passer dans un premier temps.
  • Nous n’avons pas besoin des engrais à base de nitrate d’ammonium, qui sont à l’origine de l’accident de Beyrouth. Une alternative existe : l’agriculture biologique qui utilise des engrais naturels, à condition d’investir massivement dans la transition agricole.»

Reporterre.net