Comment saboter un pipeline

Revenant sur les mobilisations climatiques depuis la COP 1 à Berlin en 1995, Andreas Malm s’interroge sur leur pacifisme impeccable. Malgré le nombre croissant de manifestant·e·s, le réchauffement climatique ne ralentit pas. Il pose une question stratégique « À quel moment déciderons-nous à passer au stade supérieur ».

Militant lors d'un blocage de train pour stopper la construction d'un Pipeline sur territoire indigène, Canada, 2020
Occupation d’une gare de triage pour bloquer un projet de pipeline sur territoire indigène, Canada, février 2020

Malm décrit toute une série d’actions qui marquent un cycle nouveau « blocages, occupations, sit-ins, désinvestissements, grèves scolaires, paralysie des centres-villes, tactique des signaux des camps de climat ». Il observe « de petites victoires… et de lourdes défaites ». Face à l’inaction du monde politique et économique, il se demande : « La non-violence absolue sera-t-elle le seul moyen, restera-­t-elle la seule tactique admissible pour l’abolition des combustibles fossiles ? Peut-on être certain qu’elle suffira contre un tel ennemi ? »

Malm relève aussi comme faiblesse l’effondrement général de l’idée révolutionnaire et la politisation insuffisante de la crise climatique, ce qui paraît très pertinent.

Par contre, ses références historiques à des mouvements ayant été confrontés au dilemme du changement des modes d’actions restent très restreintes. En passant sous silence la majorité des crises révolutionnaires en dehors des mouvements de lutte armée, Malm se limite à envisager la tactique du sabotage matériel comme ultime recours dans la lutte climatique

« Le temps est venu d’essayer autre chose »

La paralysie au sein de l’appareil de production et de distribution n’est pas envisagée. Pourtant les expériences d’occupation d’usines, de contrôle ouvrier, de grèves générales permettent de voir une issue de blocage consciente et collective à l’intérieur du lieu de production. De tels moments ont existé dans de multiples périodes, conduisant à la paralysie à l’échelle nationale (la grève générale en France en 1968 a duré un mois et a réuni à son paroxysme 8 à 9 millions de grévistes), au contrôle de la production (l’occupation de l’usine LIP en 1973), au contrôle ouvrier des conditions de travail durant le mai italien (contrôle des cadences, hygiène au travail, fin du travail aux pièces, conseils d’usine et démocratie des délégués). Ces expériences montrent les extraordinaires possibilités ouvertes en termes de pouvoir et de politisation. Le meilleur moyen de saboter un pipeline reste encore de bloquer son fonctionnement par les travailleuses·eurs.

José Sanchez

Couverture du livre d'Andreas Malm, Comment saboter un pipeline
Andreas Malm, Comment saboter un pipeline, Editions La Fabrique, 2020