Éthiopie

Le conflit au Tigré s’embrase et la population trinque

L’Éthiopie connaît une montée des violences entre le gouvernement et le Front de libération des Peuples du Tigré (TPLF), entraînant une forte vague migratoire.

Réfugiée Tigréenne

Pendant 30 ans, jusqu’à l’élection de Abiy Ahmed en 2018, les Tigréen·ne·s ont tenu le pouvoir, et il avait fallu une large mobilisation de la population pour leur faire passer la main. Ayant levé l’état d’urgence et conclu un accord de paix avec l’Érythrée, le nouveau Premier ministre a obtenu le prix Nobel de la paix en 2019. Toutefois, il a été désigné par un parlement qui aurait dû, sans la présence du Covid-19, être renouvelé en août 2020. Le report des élections n’a pas plu aux Tigréen·ne·s, qui ont organisé leur propre scrutin régional, alimentant la fureur du gouvernement.

Le prix Nobel de la paix débute une guerre

Ces tensions ont débordé le 4 novembre dernier. M. Abiy a mis le feu aux poudres en lançant l’armée dans la région du Tigré contre le TPLF. Immédiatement, l’état d’urgence est déclaré dans le pays et un blackout est imposé à la région, coupant le réseau de communication. Le 28 novembre, le gouvernement annonce avoir repris le contrôle de la capitale du Tigré. Les quelques informations obtenues sont inquiétantes ; Amnesty International annonce des centaines de mort·e·s et de blessé·e·s.

Selon les communiqués de plusieurs organisations internationales, des milliers de personnes – pour la plupart des femmes et des enfants – traverseraient la frontière soudano-éthiopienne. Le HCR évalue que plus de 100 000 personnes sont déjà parties chercher refuge au Soudan, et se prépare pour un scénario de 200 000 réfugié·e·s et déplacé·e·s.

La Suisse doit réviser sa politique d’asile

Ces événements ne sont pas sans conséquences pour la Suisse. En 2018, Simonetta Sommaruga avait profité du changement politique initié par M. Abiy pour négocier des accords avec l’Éthiopie permettant le renvoi forcé des demandeurs·euses d’asile débouté·e·s. La méthode avait d’ailleurs soulevé l’indignation des milieux de défense du droit d’asile, car elle impliquait une étroite collaboration avec les services secrets éthiopiens, mettant de manière évidente la vie des personnes en danger. Par ailleurs, la Conseillère fédérale avait saisi l’occasion de la signature des accords de paix entre Érythrée et Éthiopie pour refuser ou retirer l’octroi de l’asile à nombre de ressortissant·e·s érythréen·ne·s.

Le droit d’asile ne devrait pas se négocier entre gouvernements mais être garanti inconditionnellement. À l’heure où un nouveau conflit secoue la Corne de l’Afrique, il n’est plus du tout envisageable de transiger. Des papiers pour toutes et tous, maintenant!

Aude Martenot