AVS 21

Écoféminisme et retraite

Le système suisse des retraites ne doit pas être réduit à des dimensions démographiques et économiques. Il doit également être analysé selon une double perspective écologique et de genre. 

Des manifestantes déguisées en banquières devant Credit Suisse pour dénoncer les investissements fossiles
Action pour dénoncer les investissements fossiles des institutions financières suisses, juillet 2020

En tant que seule assurance sociale en Suisse, l’AVS permet de combler une partie des inégalités liées au genre, aux bas salaires ainsi qu’au travail non rémunéré. Le « splitting » implique également que les cotisations versées par les conjoints soient partagées. Les bonus pour tâches éducatives et de soin permettent enfin une augmentation de la rente pour les années de prise en charge d’enfants ou d’un parent impotent.

Solidaire, l’AVS fait le lien entre les générations : les cotisant·e·s  actuel·le·s financent les rentes des personnes retraitées. Mais l’AVS est une assurance sociale qui doit être améliorée, notamment en termes de montant des rentes. Le 2e pilier (PP), quant à lui, creuse les inégalités et participe à la destruction de l’environnement ainsi qu’au dérèglement climatique.

Une opposition claire à AVS 21

L’année de lutte 2021 a mis en avant l’opposition à AVS 21, cette réforme qui vise à faire des économies sur le dos des femmes en augmentant l’âge de leur départ à la retraite. Au sein de la Grève féministe, on ne sait pas ce qui énerve le plus : ne pas être écoutées – les votations précédentes ont toutes refusé cette augmentation–, ou le fait que ce projet ait été présenté juste après la mobilisation historique du 14 juin 2019 par Alain Berset. Dans la même logique, on pourrait revoter pour les 6 semaines de vacances jusqu’à ce que ce soit accepté. 

Les militante·x·s de la Grève féministe ont énormément travaillé sur l’opposition à AVS 21 en mettant sur pied une formation et en produisant tracts et articles. 

Les chiffres en rouge sont constamment sortis par le gouvernement usant toujours de la même stratégie de peur. Les finances de l’AVS ne sont pas dans un état catastrophique comme veulent le faire croire les politiques. De plus, d’autres moyens sont possibles pour renflouer les caisses. 

Renforcer l’AVS pour réduire la dépendance à la prévoyance professionnelle (PP) 

Le 2e pilier a pour but de maintenir le niveau de vie. Pourtant, 44 % des nouvelles retraitées n’ont pas droit à la PP, contre 15 % d’hommes. Ces cotisations sont obligatoires à partir d’un certain taux de travail (ce n’est pas le cas si on cumule plusieurs emplois à temps partiel !) et proportionnelles au salaire. Cela crée des inégalités colossales en particulier pour les femmes qui gagnent moins et/ou qui arrêtent ou réduisent leur pourcentage de travail. Aucun bonus éducatif n’est comptabilisé. En voyant la différence entre la rente moyenne du 2e pilier pour les femmes de 1547 francs et celles de 2949 francs pour les hommes, difficile de croire que l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes est une mesure qui vise l’égalité.

Nécessité écologique

Vouloir renforcer l’AVS afin de réduire la dépendance au 2e pilier est également une nécessité écologique. Aujourd’hui, plus de 1000 milliards de francs de cotisations à la PP sont laissés à la libre gestion des banques et des assurances. Ceci implique des coûts importants de gestion de l’argent, soit 6 % des cotisations versées qui disparaissent. 

Assurances et banques investissent dans des secteurs climaticides. Pour un futur égalitaire, féministe et écosocialiste, le 2e pilier est à placer à l’intérieur de l’AVS. Une refonte du système est nécessaire pour viser l’égalité, mais également parce que les investissements depuis la Suisse émettent 20 fois plus de gaz à effet que l’ensemble de la population résidant en Suisse. Dès juillet 2020, la Grève Climat a contacté banques et assurances afin de les questionner sur leurs mesures face à la crise climatique. 

Les demandes des grévistes sont précises : transparence sur les flux financiers ; 0 émissions de gaz à effet de serre en 2030 ; plus aucun investissement dans des projets d’énergie fossile. 

Toutefois, aucune mesure volontaire de ces institutions capitalistes ne peut répondre à la catastrophe climatique. Une baisse de fonds monétaires par le déplacement de la PP vers l’AVS empêcherait l’investissement dans des projets nuisibles pour le climat. De plus, l’AVS est une mesure solidaire et plafonnée qui s’oppose au modèle de capitalisation individuelle du 2e pilier. La renforcer constitue une mesure transitoire à défendre en tant que mouvement anticapitaliste. Continuons à faire pression dans la rue lors de la Grève pour l’Avenir du 21 mai et emparons-nous de la question hautement politique des retraites d’un point de vue anticapitaliste.

Manon Zecca