Faire face à la crise climatique à tous les niveaux (suisses) !

Passage en revue de trois plans climat suisses, chacun à son échelle : celui de la commune de Lausanne, celui du canton de Vaud et pour finir, celui porté par une partie de la Grève du Climat (pGdC), à portée fédérale. 

Cordon policier lors de l'évacuation de la ZAD de la Colline, mars 2021
Le Conseil d’État vaudois a vite enterré ses belles déclarations autour de son plan climat lorsqu’il a fait évacuer la Zad du Mormont, une occupation écologiste inoffensive.

Les objectifs de tous ces plans sont de diminuer efficacement les chances d’un réchauffement de plus d’1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. 

Pour ne pas découpler la crise climatique de la crise sociale, ils devraient également respecter les principes de justice climatique, sociale et de proportionnalité, et s’assurer que les entités (individus, entreprises, entités publiques) prennent part à leur résolution à la hauteur de leurs responsabilités. 

Lausanne en 2030 : 0 % carbone, 100 % solidaire

Le plan lausannois est probablement celui qui surprend le plus – et en bien ! Comme en témoigne l’intertitre, tiré directement du document, la barre est placée haut. En termes de mesures proposées, il tient solidement la route concernant la mobilité et l’urbanisme, se refroidit toutefois concernant le chauffage (voir solidaritéS nº382), et laisse sur sa faim concernant l’alimentation et le travail. De plus, les aspects du « comment » et du « quand » manquent de clarté (budget, sources de financement, absence de calendrier détaillé)… un peu comme si la plume avait manqué d’encre en cours de route – dommage, mais nous saluons le reste !

Vaud en 2030 : 60 % carbone, 100 % néolibéral

Traiter le mal par le mal ? Avec des solutions à l’arrière-goût technocratique et des perspectives telles que l’augmentation du leadership des entreprises vaudoises (l’heure est-elle vraiment à la compétition ?), ce plan donne l’impression de se tromper de cible, faisant douter de sa bonne compréhension de l’énoncé de base : il ne s’agit pas de tirer profit de la situation actuelle, mais de renoncer à celui-ci autant que nécessaire pour se concentrer sur une résolution aux conséquences bénéfiques pour tou·te·s ! Ne parlons même pas du calendrier qui semble se contenter du minimum, comme l’objectif de 0 % émissions carbone d’ici à 2050. Et le tout repose sur un apport significatif des technologies à émissions négatives. Est-ce avisé, sachant qu’en l’état actuel des connaissances, il y a controverse sur la capacité de ces moyens à jouer entièrement le rôle qu’on attend d’elles ?

Rappelons que le député Yvan Luccarini avait déposé en 2019 une initiative au Grand Conseil, qui s’attaquait sérieusement au problème avec des propositions réalistes et réalisables – moyennant une réelle prise de conscience des enjeux et capacité d’adaptation à la hauteur de l’urgence, éléments dont la majorité du Grand Conseil vaudois s’était montrée dénuée. Mention toute particulière au député PLR qui avait affirmé préférer déménager en Corée du Nord si une pareille loi venait à être acceptée (!) (voir solidaritéS nº352).

La Suisse en 2030 (pGdC) : 0 % carbone et changeons de cap !

Ce plan est de loin celui qui pousse la réflexion le plus loin (voir solidaritéS nº383). Au programme, des sujets fondamentaux comme la remise en question du caractère privé des propriétés « nécessaires au bon fonctionnement de la société », ou encore la dénonciation déterminante des secteurs économiques dans les mécanismes ayant conduit à la crise actuelle. Il remet en cause le PIB comme indicateur de quoi que ce soit de réellement intéressant sur le plan humain, et le remplace par un Indice du Développement Durable (IDD), avec pour indicateurs : « l’éducation, l’espérance de vie, le revenu, les émissions de CO2 et l’empreinte écologique ». Un plan audacieux, et en même temps hétérogène. Seule une petite partie du mouvement (en majorité de Suisse alémanique) a participé à sa rédaction. Aussi, les auteurs·trices appartiennent à des courants idéologiques potentiellement discordants. 

C’est notamment une membre des Verts’libéraux qui a rédigé le gros du chapitre sur les finances, alors que des solutions durables et équitables à la crise sont impossibles dans le cadre du libéralisme économique. Notons qu’il est quand même question de : « transformer les entreprises détenues par les actionnaires en coopératives gérées démocratiquement ». Un bon objectif, mais il ne faudra pas s’attendre à ce que des vautours renoncent d’eux·elles-mêmes à leur proie !

Finalement, certains éléments manquent aussi. Quid de la question des retraites, ou encore du rôle du mode de production capitaliste ? Il reste l’étiologie indiscutable de la crise globale, pourtant jamais remise en question ; alors que si on pouvait l’attendre d’un plan, c’était bien de celui-ci.

Ces plans, bien que n’engageant que ceux et celles qu’ils convainquent, ont tous un point positif en commun : celui d’exister. Ils pavent la voie pour la suite, servent de base à la critique constructive et aux mobilisations qui, nous n’en doutons pas, seront au rendez-vous quand les objectifs déclarés ne seront pas atteints. En parallèle, sachez que les termes : « auto-organisation, mobilisation et résistance » (solidaritéS nº371) restent et resteront un terreau fertile pour faire émerger, ensemble, des solutions durables ! 

Marc Wirth pour le groupe de travail écosocialiste de solidaritéS Vaud