La vague violette déferle de nouveau en Suisse, l’égalité toujours pas !

Ce 14 juin, malgré la pandémie, la Grève féministe a encore largement mobilisé: plus de 120 000 personnes sont sorties dans les rues pour revendiquer l’égalité et la fin des discriminations.

Un groupe d'argicultrices manifestent durant la Grève féministe à Genève
Tronçon des paysannes du cortège genevois de la Grève féministe 2021

Les mobilisations féministes massives ont témoigné de la force du mouvement Grève féministe en Suisse et des échos qu’il trouve au sein de larges couches de la population, comme l’a démontré par exemple le tronçon des paysan·x·e·s à Genève. 

Hétérogénéité des revendications et des modes d’actions 

Cette année, les collectifs se sont principalement mobilisés contre la réforme AVS 21, contre l’écart salarial entre femmes et hommes, mais aussi pour la reconnaissance et la revalorisation du travail du care, tout comme du travail des artiste·x·s, frappé·e·x·s de plein fouet par la crise. À ce sujet, des collectifs en Suisse romande ont conçu un programme culturel riche : projections, spectacles, ateliers et même une radio ont été organisés ces 13 et 14 juin à Lausanne, ainsi que sur toute une semaine par le collectif valaisan dans les différentes villes du canton. Ces événements avaient notamment pour but de valoriser le travail des acteurice·x·s culturelle·x·s qui se sont retrouvé·e·x·s dans une forte précarité durant plusieurs mois, et à travers ces activités, de thématiser des questions féministes et de genre. 

La question des violences sexistes a également été un des points importants de ce 14 juin. Dans le canton de Vaud, le discours du collectif réaffirmait le refus refus du système police-justice-prison oppressif et raciste pour combattre les violences patriarcales, avec un appel ouvert à l’auto-défense féministe, au soutien des survivant·e·x·s et à une gestion collective de la justice. Si la question des violences a toujours été thématisée par les collectifs, cette année, ils ont mis la focale sur la campagne sur l’introduction de la notion du consentement dans la définition du viol dans le Code pénal. Les collectifs ont permis de faire passer le message, à large échelle, que tout acte sexuel non consenti constitue un viol.

Mères : un nouveau sujet révolutionnaire ? 

La crise du Covid, la fermeture des écoles, l’accroissement des tâches ménagères et le télétravail ont eu un impact énorme sur les femmes. Les inégalités entre pères et mères se sont accrues. Toutefois, on observe qu’avec le Covid et l’explosion de la charge mentale des mères, une politisation de ces dernières a vu le jour, ce qui s’est traduit dans la Grève féministe par la construction d’un front national sur le thème des maternités féministes, sensibilisant sur le travail reproductif et gratuit fourni tous les jours. Notre démarche s’inspire du collectif français Front des Mères, porté notamment par la militante féministe et antiraciste Fatima Ouassak, autrice de l’ouvrage La puissance des mères : pour un nouveau sujet révolutionnaire

Si ce 14 juin 2021 a impressionné par la combativité et l’hétérogénéité des revendications, comme des modes d’actions, il faut en souligner certaines limites. Ccette année, la mobilisation autour de revendications concrètes ne s’est pas faite sur les lieux de travail, ni de formation, contrairement à l’année 2019. Si les travailleuses et étudiantes ont été appelées à se mobiliser, peu d’actions ou ne serait-ce que des mesures permettant aux femmes* de participer pleinement à la journée du 14 – telles que l’annulation d’examens ou la libération des salariées de leur travail – ont vu le jour.  Il faut admettre que les conditions matérielles n’ont pas été réunies pour qu’une grève puisse se faire dans les quatre principales arènes : la consommation, le travail salarié ou domestique, ainsi que les lieux de formation.

Quelles suites ? 

Ce n’est pas pour autant que ce mouvement n’ouvre pas des perspectives pour la suite. Au contraire, les manifestations ont démontré que même en période de pandémie, la Grève féministe est le plus grand mouvement social suisse qui mobilise massivement et se coordonne dans les différents cantons. Après le 14 juin, le premier pas sera de combattre la réforme AVS 21. À cet effet, le 21 juin, la coordination romande élargie de la Grève féministe s’est réunie et a voté à l’unanimité le lancement du référendum. Il faudra désormais mettre la pression sur l’Union syndicale suisse et ses fédérations afin qu’elles rejoignent la campagne. 

Par la suite, il s’agira pour le mouvement féministe de se battre pour arracher chacune des revendications du manifeste, parce que tout reste à gagner ! Enfin, pour nous, la vision d’un féminisme internationaliste doit être portée largement, ceci en vue de former une réelle alternative au système patriarcal au-delà des frontières suisses. Dans tous les cas, ce 14 juin 2021 a montré une maturité politique du mouvement et sonne le lancement d’une vague de politisation massive pour les nouvelles générations ! 

Groupe Genre et sociétés de solidaritéS Vaud