Alliance des droites au Grand Conseil sur le dos des étrangers·ères et du logement social

Vendredi 2 juin 2021, un accord a été passé entre les droites, du MCG (qui défend le logement social pour les Genevois·es uniquement) au PDC (qui défend la propriété par étage), pour faire accepter au Grand Conseil la loi 12752, qui impose quatre années de résidence dans le canton avant de pouvoir accéder au logement subventionné.

Inauguration du centre d'hébergement de Rigot, Genève
40 % des personnes migrantes hébergées dans les centres n’auraient plus accès au logement conventionnel (inauguration du centre d’hébergement de Rigot, 2019).

Lors de l’examen de ce projet MCG par la commission du logement, le PDC s’était allié à la gauche pour le rejeter. Mais la realpolitik a gagné et le PDC s’est rendu compte en cours de route que son objectif de favoriser la propriété par étage s’accordait parfaitement à une restriction d’accès au logement social pour les étrangers·ères.

Les auditions de l’Hospice général et de l’Office du logement avaient mis en évidence les difficultés très importantes auxquelles l’adoption de ce projet de loi mènerait : les personnes étrangères précaires sont dans l’incapacité d’accéder au logement sur le marché libre, en raison parfois de leur revenu trop faible, parfois d’une poursuite. Actuellement, leur seule option est d’attendre deux ans dans des foyers d’hébergement d’urgence.

Engorgement des foyers d’urgence

Les représentantes de l’Hospice général et de l’Office du logement étaient unanimes à rejeter ce projet. Pour l’Office du logement, « l’adoption du projet aurait pour conséquence un engorgement des dispositifs situés en amont du logement subventionné, soit les foyers et les hôtels, qui représentent des coûts très importants pour l’État. De plus, le logement est la première mesure de l’insertion sociale ; dès lors, en retardant l’accès aux logements sociaux la précarité croîtrait. Aujourd’hui, il y a 7300 demandes en attente, et le temps d’attente moyen pour un logement auprès des fondations immobilières de droit public est de trois ans. »

Pour l’Hospice général, « s’agissant des migrants, 40 % des personnes hébergées dans les centres n’auraient plus accès aux logements et donc resteraient en tout cas trois ans de plus dans le dispositif. Ainsi, le projet de loi risque de fortement engorger les centres de l’Hospice général et dans une moindre mesure les hôtels dans lesquels sont hébergés les bénéficiaires de l’aide sociale. 15 % de ces personnes devraient attendre trois ans de plus avant de quitter l’hôtel. Selon les estimations cela représenterait un coût de trois millions de francs par année. De manière générale, un durcissement des conditions d’accès aux logements sociaux aurait pour effet un engorgement des logements-relais, et un maintien des bénéficiaires dans la précarité du logement, ce qui, à son tour, diminue les chances d’intégration sociale des personnes concernées. »

Il n’est pas compliqué de comprendre pourquoi le MCG, champion de la préférence cantonale, a déposé ce projet. Il est plus complexe de comprendre pourquoi le PDC a pu le soutenir. Voici la réponse : le PDC veut atténuer l’impression d’urgence sociale en matière de logement. De fait, il n’existe pas d’indicateur du mal-­logement à Genève et c’est la liste d’attente des fondations immobilières de droit public qui permet d’appréhender l’ampleur du problème. Si le chiffre est élevé, cela rappelle que la construction de logements sociaux est indispensable. En limitant le nombre d’inscriptions sur la liste d’attente, on réduit l’impression de mal-logement.

Priver les familles précaires d’un logement social

Impossible de ne pas faire le lien avec le PL 12934 dit « paix des braves », dans lequel le PDC, suivi par le PLR et l’UDC, propose de réduire le nombre de logements sociaux au dans le développement du futur quartier Praille-­Acacias-Vernets. Or il est évident que le nombre de personnes sur liste d’attente pour du logement social est un argument fort contre cette réduction. Conclusion : le PDC est prêt à priver des familles précaires d’un logement social, pour pouvoir construire plus de propriétés par étage. Le masque est tombé. 

Avant même le vote final, des contacts ont été pris avec le PS, les Vert·e·s, l’ASLOCA et divers mouvements de locataires et de défense des mal, ou pas, logé·e·s, pour organiser un front référendaire commun. 

Pour rappel, l’art. 67 de la Constitution genevoise prévoit un référendum simplifié, avec 500 signatures, contre toute modification de la législation sur le logement. La récolte des signatures ne sera donc pas un problème, mais il faudra faire preuve de pédagogie et expliquer au corps électoral que cette réforme, dirigée contre les étrangers·ères, est préjudiciable à tou·te·s les locataires. Alors que les opportunités de construction seront bientôt épuisées, les seules options politiques pour la gauche sont de contrôler les loyers pour éviter la spéculation et de garantir le taux le plus élevé possible de logements sociaux lors des nouvelles constructions.

Pierre Bayenet