Syndicalisme et enjeux LGBTQIA+ : quelques bases de réflexion

Si les personnes LGBTQIA+ font face aux mêmes combats que les autres salarié·e·s, leurs discriminations spécifiques doivent être traitées de manière spécifique. Il est urgent de mieux les inclure dans le mouvement ouvrier et notamment au sein des syndicats.

Employé-e-s du réseau Pink Rail de transports publics suisses
Manifestation de PinkRail, réseau LGBTQIA+ des employé·e·s des transports publics suisses

Afin d’entamer cette réflexion, la rédaction a recueilli les propos de Reto Wyss, secrétaire syndical responsable de la commission LGBT au sein d’une faîtière suisse des syndicats, l’Union syndicale suisse (USS). Cet organe permanent s’est donné pour mission la défense des intérêts des travailleurs et travailleuses LGBTQIA+, tant à l’intérieur de l’USS que dans ses fédérations et vis-à-vis de l’extérieur.

Comment a émergé l’idée d’une commission LGBT au sein de l’USS ? C’est parmi les membres des bases syndicales que l’idée d’une telle commission a émergé. Des structures en lien avec les questions LGBTQIA+ existaient déjà au sein de certains de nos syndicats et fédérations membres. Un des précurseurs a été le SEV (syndicat du personnel des transports), avec une première structure établie en 1982 déjà. La fondation de la commission LGBT de l’USS lors du congrès de l’USS en 2002 a été très bien accueillie. Mais, évidemment, elle a eu lieu plutôt tardivement.

Quels sont actuellement les défis rencontrés au sein du monde du travail par les personnes LGBTQIA+ ? Pendant longtemps, la commission et respectivement les syndicats rattachés à l’USS ont lutté pour des améliorations en terme d’égalité « LGBT » dans le cadre des conventions collectives de travail (CCT). Pour ce faire, la commission a rédigé et a constamment mis à jour un recueil de « clauses-type » à intégrer dans les CCT lors des phases de négociations. Cette stratégie a été couronnée de succès dans certaines CCT, comme celles de Swiss ou des CFF, bien que la plupart des autres CCT laissent toujours à désirer.

Avec le progrès législatif (introduction du partenariat enregistré et, plus récemment, interdiction de la discrimination en raison de l’orientation sexuelle), la situation juridique est désormais bien meilleure qu’il y a vingt ans. Avec l’introduction espérée du mariage pour toutes et tous, les personnes LGBTQIA+ – à tout le moins les lesbiennes et les gays – seront placées sur un quasi-pied d’égalité au plan juridique. Mais, bien évidemment, pour les syndicats, le combat contre les discriminations dans le monde du travail est loin d’arriver à terme.

Une égalité juridique n’empêchera toujours pas les licenciements abusifs des personnes trans pendant leur transition ou la double discrimination des travailleuses lesbiennes – deux exemples de discriminations quotidiennes que l’on observe encore aujourd’hui. De plus, pour un·e employé·e bien rémunéré·e dans une grande banque ou assurance – des entreprises qui désormais prônent publiquement d’être « LGBT-friendly » souvent dans un but commercial – il est bien plus facile de sortir du placard au travail que pour un ouvrier du bâtiment payé quatre fois moins et coincé dans un environnement de travail trop souvent « viril ». Il s’agit donc de poursuivre le combat contre les discriminations sur le terrain et dans les branches, en étant proche des gens et de leurs problèmes.

Quels sont les liens entre le militantisme LGBTQIA+ au sein du monde du travail et le reste de la militance LGBTQIA+, notamment avec les réseaux de professionnel·le·s tels que LWork et Network ? Le combat est le même, voilà le lien principal. Mais il est évident qu’il est considérablement plus simple de se manifester en tant que personne LGBTQIA+ entre ami·e·s lors d’une marche des fiertés que tout·e seul·e au travail. C’est pour cela que le rôle des syndicats est tellement important. D’autant plus parce que la discrimination en raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre va souvent de pair avec une discrimination salariale et de mauvaises conditions de travail.

Ce rôle des syndicats, avouons-le, a aussi été négligé pendant longtemps, ce qui a entraîné la fondation d’organisations et réseaux LGBTQIA+ spécifiques au sein de différentes entreprises, comme par exemple PinkRail au sein des CFF. Ces organisations font un travail important – d’une part, pour la mise en réseau des personnes LGBTQIA+ au sein des entreprises et d’autre part, pour leur visibilité envers l’extérieur. Des liens avec les syndicats sont là, mais plutôt de nature sporadique et liés à des personnes spécifiques. Néanmoins, des associations nationales comme WyberNet et Network visent clairement les cadres dirigeant·e·s gays et lesbiennes et non pas la couche d’employé·e·s « classique » des syndicats de l’USS.

Propos recueillis par Maimouna Mayoraz