Le capital se paie Stonewall

À moins de 3 semaines de la votation du mariage pour tou·te·x·s, les sondages donnent le succès du oui. Devant la fin « heureuse » du mouvement gay et lesbien réformiste, initié dans les années 1970, quelles leçons tirer de la coopération avec le capitalisme ? Un cas d’étude : la Pride.

La pride de Copenhagen
Copenhagen Pride 2021

Si les émeutes de Stonewall sont dans l’imaginaire collectif des luttes LGBTQIA+ un symbole fort de résistance et de révolte queer, aujourd’hui, ces luttes n’en usent que pour l’image positive que cet événement renvoie dans la conscience collective. Et pourtant, depuis l’apparition du mouvement gay et lesbien, et parallèlement de la sous-culture commerciale gay des années 70 et 80, le répertoire des luttes ne ressemblait en rien à celui employé quelques années auparavant : la révolte contre celleux qui nous excluaient et opprimaient a fait place à une stratégie réformiste et intégratrice dans le système hétéronormé et libéral.

Depuis, le mouvement gay et lesbien a occupé tout l’espace politico-­médiatique et s’est allié avec le capitalisme d’une part, et l’État répressif d’une autre (voir l’article sur l’homonationalisme) pour favoriser leurs intégrations, au détriment des autres minorités trans*, queer et intersexe de notre communauté.

Pinkwashing : pas qu’une question d’image

Le pinkwashing, loin d’être une simple récupération des luttes queer dans un objectif commercial ou marketing, doit être pensé comme un déploiement et une intégration par le capitalisme des luttes, autant qu’une exclusion des courants plus radicaux. L’utilisation du terme ne s’est pas cantonnée aux cas d’Israël et de la Palestine. Il a visé également les grandes entreprises usant d’un marketing spécifiquement LGBTQIA+ pour se donner bonne conscience durant le mois de juin, le « mois des fiertés ».

Or, aujourd’hui le pinkwashing se normalise et développe ses formes : de la désormais traditionnelle présence des chars des grandes multinationales durant la Marche des fiertés, jusqu’à l’utilisation de nos vécus et réalités dans leurs déploiements publicitaires, sans compter les nouvelles formes qu’il prend à l’intérieur même des entreprises, notamment avec les initiatives telles que le Swiss-­Label LGBTI, censé « récompenser » les cultures d’entreprise favorables à la diversité et à l’inclusion.

Intégration par le capitalisme et normalisation homosexuelle

Les critiques adressées aux organisations des Prides et aux entreprises responsables de pinkwashing ne se concentrent que sur une récupération des luttes et ne semblent pas contempler le fait que le pinkwashing doit être perçu dans une perspective plus large, lié à une intégration par le capitalisme de vécus queer selon des modalités que ce système conçoit comme valide et valable. Cela concerne particulièrement le « milieu » cis-gay, qui a d’ailleurs développé une grande partie de sa culture globale autour du capitalisme et de sa marchandisation normative et stéréotypée.

Si le pinkwashing n’est plus autant soumis aux critiques que par le passé, cela tient à l’état des luttes gays et lesbiennes et à l’avancement dans l’hétéronormalisation de l’homosexualité. La première concerne le financement du mouvement gay et lesbien, telles que la Pride, où la coopération avec les entités et le libéralisme se fait particulièrement voir dans des organismes tels que Network. La deuxième concerne plus insidieusement la normalisation par les appareils du capitalisme, encouragé par le secteur libéral du mouvement gay et lesbien. Elle vise notamment la normalisation d’une certaine représentation stéréotypée des LGBTQIA+, mais aussi la création de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités qui eux visent plus directement la communauté queer, à qui l’ont dit comment penser et consommer leurs identités.

Rejet des thèses réformistes et normatives, miser sur l’alternative

Il reste que le mouvement gay et lesbien défendra l’idée du Pinkwashing et de l’intégration des organes du capitalisme dans les luttes menant à l’égalité (de certains) que souhaitent mener le mouvement. Devant les arguments fallacieux du mouvement sur les besoins impériaux – financiers et culturels – d’intégrer le capitalisme dans les stratégies de la lutte, et par la même d’uniformiser nos cultures et nos histoires, des alternatives existent.

Nous n’avons pas besoin d’être financé par les grandes entreprises pour frayer notre chemin dans la supposé égalité que propose le mouvement LGBTQIA+ suisse aseptisé d’aujourd’hui. Nous n’avons pas besoin que notre image (déformé par leurs normes) soit présentée dans les médias et dans les branding des marques pour que nous puissions défaire l’oppression.

S’éloigner du capitalisme et des grandes entreprises nous permettra d’inclure véritablement tout le monde, de ne pas laisser des normes dicter notre mouvement, nos cultures et nos histoires. Il faut développer une conscience collective, miser sur les prides critiques, ne pas vouloir faire grand et impressionnant, mais à échelle humaine et politique, sans miser sur les symboles prêt-à-porter, mais en construisant ensemble nos revendications.

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