La Pride dit « oui au mariage », les queers disent « oui, Et après ? »

Après une première édition réussie en 2019 et une autre repoussée puis anulée en 2020, la Pride de Genève a fait son retour en trombe dans le milieu romand. Forte du travail de trois équipes bénévoles successives, elle a évité les couacs gênants du sponsoring de 2019, ce malgré une fête en demi-teinte à cause des restrictions covid.

Pride Genève 2021
Dans le tronçon de solidaritéS à la Pride 2021

Nous étions en droit de nous inquiéter après le financement désastreux de la Pride 2019 par de nombreuses entreprises telles des pharmas ou des compagnies de tabac. solidaritéS avait dû en effet protester contre la gestion des sponsors avec d’autres collectifs (voir solidaritéS nº 253). Il est donc encourageant de voir que l’organisation a revu sa copie : beaucoup moins de sponsors et d’entreprises mises en avant dans la marche et les événements. Ce n’est pas parce qu’elles étaient cachées que les multinationales n’étaient toutefois pas présentes : JTI et Philip Morris International sont affichées discrètement comme sponsors « diamants » sur le site de la Pride 2021.

Nous n’allons pas ici reparler du concept de pinkwashing (voir solidaritéS nº 393) mais nous pouvons nous demander si l’organisation systématique en presque-festival de la Pride ne force pas les organisateur·ice·x·s à pactiser avec le diable. Ne serait-il pas plus utile d’imaginer l’événement avant tout en tant que démonstration politique ?

Un succès vif mais peu radical

Il semblerait néanmoins que la Geneva Pride ait trouvé la formule à succès avec au bas mot plus de 25 000 personnes. Les chiffres sont impressionnants, ils dépassent même ceux de la Pride de Zürich. Une première ! D’autant plus que les restrictions auto-imposées par l’organisation vis-à-vis du Covid ont rendu la marche quelque peu terne. Ni musique ni droit de danser. C’est peut-être approprié pour la cité de l’austère Calvin – et vu la pandémie actuelle – mais les sons de tambours quelques peu militaires des Vert’libéraux dans le cortège n’ont pas ambiancé le public, contrairement aux militant·x·e·s fabuleu·x·euse·s de solidaritéS qui ont fait vibrer le Quai Wilson au son de l’Internationale.

Il est vrai également que la seule revendication visible – en partie compréhensible vu le timing – était le oui au mariage pour tou·te·s des prochaines votations. C’est quelque peu décourageant dans une perspective queer car il semblait presque que les autres sujets étaient invisibilisés, notamment les revendications plus radicales et en rupture avec le capitalisme.

L’accès au mariage n’est pas la finalité du mouvement LGBTQIA+, même si c’est une avancée majeure, d’autant plus qu’il apporte peu ou pas de réponses aux personnes les plus marginalisées de nos communautés. Une perspective queer vise à abolir les rôles genrés, l’organisation de la société autour de la famille et du travail et atteindre une justice sociale et financière, ce qui est incompatible avec le modèle de société néolibéral. C’est d’autant plus frustrant vu le nombre de jeunes qui affichaient des drapeaux trans. Y aura-t-il autant de monde pour les soutenir face à la transphobie systémique de notre société l’année prochaine à la Pride romande à Bulle ?

Sébastien Zürcher