L’argumentaire confus de l’ATE contre les transports publics gratuits
La section vaudoise de l’ATE s’est positionnée contre l’initiative pour des transports publics gratuits. Nous revenons sur quelques points de son argumentaire tortueux pour en soulever les incohérences. Au vu de nos objectifs communs, nous l’invitons à le préciser et à le rectifier.

Un modèle économique plus stable
« Certaines communes, pour des raisons conjoncturelles ou de choix politiques, risquent de renoncer au développement et à l’entretien de leur réseau de transports en commun, aujourd’hui ou demain. Si cela arrive, la qualité et l’attractivité des transports publics risque de fortement baisser. » Quand l’Association Transports et Environnement (ATE) – qui défend « une mobilité respectueuse des personnes et de l’environnement » – postule cela, elle ne semble pas bien cibler les enjeux de la question.
Le réel problème avec le financement des transports publics par le biais du ticket est qu’il est très sensible à la conjoncture socio-économique ; si, du jour au lendemain, les utilisateurs·trices arrêtent de fréquenter le réseau, il périclite. Le financement par l’impôt stabilise ces rentrées et permet aux communes et cantons de planifier le développement de leur réseau sans devoir compter sur les recettes incertaines des billets. Mieux, la mise en place de la mesure permettra au canton d’obtenir une grande attractivité résidentielle occasionnant des gains de contribuables qui financeront les transports publics.
La responsabilité limitée des communes
Outre l’inconséquence de l’argumentaire visant à attaquer la stabilité du modèle basé sur l’impôt, l’ATE est confuse lorsqu’elle considère que les communes sont des actrices significatives du développement des transports publics. Cette compétence relève en majeure partie du canton et des agglomérations financées par le biais de sommes importantes versées directement par la Confédération.
Nous voyons également la mise en place des transports publics gratuits comme un moyen efficace de redistribution entre communes ; actuellement un grand nombre de communes profitent des infrastructures et services mis à disposition par les villes-centres sans pour autant participer significativement au maintien de tels services, ce qui constitue une injustice pour les villes-centres, les espaces ruraux peu dotés et les communes d’agglomération aux revenus moyens à faibles. Le financement par l’impôt au niveau cantonal permettrait de résoudre une partie du problème en faisant participer les communes profiteuses et leur population – très majoritairement motorisées – au financement des transports publics.
Un exemple fallacieux
Ce n’est malheureusement pas le seul argument mal renseigné de l’ATE : « Si on habite à Pampigny et qu’on travaille à Épalinges par exemple, il faut deux fois plus de temps en transports publics qu’en voiture pour y aller. » Prendre Pampigny – Epalinges comme exemple, trajet pour le moins étrange à mettre en exergue, relève de la mauvaise foi plutôt que de l’argumentaire. Le réseau vaudois a pour centre l’axe est-ouest lémanique Montreux-Nyon passant par Lausanne, une série de centres annexes accueillent des réseaux secondaires nord-sud permettant la desserte de territoires excentrés comme Pampigny. De cette organisation émerge un réseau en étoile, où chaque « branche » possède sa propre attractivité reliée au travail, au logement et aux loisirs. L’intérêt pour une meilleure liaison de ces territoires est au mieux limité car ils tous les deux situés dans des secteurs au bout des « branches ». L’ATE pointe ici davantage un choix stratégique intelligent et délibéré du canton qu’une tare structurelle du réseau de transport.
La conjoncture économique rend la question du prix centrale
L’Office fédéral de la statistique relevait en 2019 que près de 8 % du budget des ménages Vaudois étaient alloués aux transports, soit une moyenne de 700 francs. Estimer, comme le fait l’ATE, que « ce n’est pas le prix qui va influencer le comportement des gens mais l’offre et la cadence », qu’une part si importante du budget des Vaudois·e·s est négligeable et n’influencerait pas leurs choix modaux, semble totalement déconnecté des réalités.
Pis, l’expérience de terrain menée par nous, militant·e·s qui récoltons des signatures au contact des populations urbaines et rurales depuis plus d’un mois, semble complètement invalider l’argument qui viserait à déprécier l’importance du prix ; c’est en partie dans les populations précaires comme les étudiant·e·s, les chômeurs·euses et les seniors que la mesure semble urgente. D’autant plus que celleux-ci sont déjà désavantagé·e·s par le forfait mensuel des abonnements, plus cher que la formule annuelle qu’iels ne peuvent pas se permettre d’avancer. On pourra aussi noter la nature rédhibitoire des prix des transports publics pour les familles, fréquemment poussées vers la solution automobile pour les déplacements relatifs aux loisirs. L’initiative vise à adresser cette trop grande attractivité automobile et lui confronter une alternative publique, écologique, solidaire et efficace.
Martin Peikert