Gwenola Ricordeau, féministe abolitionniste

« Le jour où la prison a cessé d’être une abstraction pour moi, j’ai été convaincue qu’il fallait l’abolir », entame Gwenola Ricordeau dans son livre Pour elles toutes, femmes contre la prison. Mi-octobre, la chercheuse française a donné une série de conférences en Suisse.

Couverture du livre de Gwenola Ricodeau

« La prison protège-t-elle les femmes ? » C’est la question que, comme Ricordeau, les mouvements féministes se posent. Suivie presque toujours par « … Et les violeurs ? » Pourtant, considérer les préjudices sexuels et la pédocriminalité en dehors des rapports sociaux et en pensant les auteurs comme des monstres, c’est participer à garder la violence taboue.

Concernant les femmes victimes, les non-abolitionnistes partagent l’insatisfaction des abolitionnistes. En effet, les réponses apportées par l’État sont inappropriées : nombre ridicule de plaintes, procès douloureux pour les victimes, inadéquation du temps judiciaire et nécessité pour les victimes de se reconstruire, verdicts de non-lieux, droit et intérêt des auteurs à se taire alors qu’une prise de conscience et des excuses sont souvent ce que la victime attend. Ricordeau cite que seul 1 % des viols et agressions sexuelles donnent lieu à une condamnation. La récidive est aussi plus forte que pour d’autres crimes. La prison n’est donc pas une solution contre les violences sexuelles. En outre, ce sont les femmes qui assument le travail de care aux portes des prisons, ce qui leur fait subir en tant que groupe social une double peine.

Des pistes

Ricordeau le précise : il n’est pas question de critiquer les personnes qui recourent au système pénal. La chercheuse différencie justice restauratrice et justice transformative. Dans la première, il s’agit de rendre plus humain le système tel qu’il est. Pour les abolitionnistes, il s’agit plutôt de s’orienter vers la justice transformative : recollectiviser la responsabilité de la violence et du dommage subi, en partant du principe que le groupe social est victime, mais également responsable. En ce sens, les membres doivent chercher une solution pour traiter le conflit et apporter des réponses aux victimes, mais aussi aux auteurs.

Manon Zecca