Violences machistes, offensive féministe
Le 25 novembre prochain, les collectifs de la Grève féministe se mobiliseront une nouvelle fois dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les violences de genre.
Depuis plus de 2 ans, les militante·x·s exigent un recensement étatique des féminicides et de toute autre forme de violences sexistes et sexuelles ainsi qu’un plan national de lutte. Les autorités font la sourde oreille.
Face à la dépolitisation …
Dans les années 1970, les féministes de la 2e vague se mobilisent pour que la violence de genre soit reconnue comme un problème collectif et public. Dans leurs analyses, elles cherchent à démontrer en quoi la violence, ou la menace de violence, à l’encontre des femmes et des personnes dissidentes du système sexe-genre est un outil qui renforce le contrôle social, politique et matériel qui s’exercent sur elleux.
À la fin des années 1980, la politique institutionnelle se saisit de la problématique. On passe alors d’une conception féministe et militante de la violence à une vision institutionnelle catégorielle : violences domestiques, violences sur les lieux de travail, mutilations génitales et violences obstétricales, etc. Si cette fragmentation de la question permet le développement partiel d’outils et de programmes spécifiques à chaque catégorie, il en résulte une dynamique de dépolitisation de la question, qui sera désormais abordée avec des approches différentes selon le « type de violence ».
Les violences conjugales sont par exemple souvent prises en charge sous l’angle médical ou psychologique. Il s’agit alors de traiter les symptômes des actes de violence et de considérer les auteurs et les victimes comme des patient·e·x·s, à part égale. Dans le cas de violences se produisant sur des lieux d’étude et de formation ou sur les lieux de travail, ce sont généralement des organes internes qui procèdent à une évaluation de la situation et formulent des recommandations ; notamment des procédures de médiation du conflit, où les personnes concernées sont considérées comme participantes et entretenant des dynamiques conflictuelles. Dans ces deux exemples de prise en charge, le caractère systémique de la violence est atténué, voire effacé.
… et à l’instrumentalisation de la lutte contre les violences de genre
En parallèle, les violences liées au harcèlement de rue, qui ont occupé une grande partie du débat public et politique sur la thématique ces dernières années, sont souvent abordées sous l’angle sécuritaire et juridique, avec une distinction claire entre agresseurs et victimes et une prise en charge centrée sur la punition des auteurs de ces violences. Des auteurs que les responsables politiques et les médias, ainsi que certaines associations se réclamant d’un « féminisme identitaire », se plaisent à caractériser comme étant essentiellement des hommes non-blancs, étrangers et des classes populaires.
Cette classification, qui aborde la question des violences de manière différenciée selon les espaces où elle se produit, participe donc, dans certains cas, à la négation des rapports structurels de domination qui oppriment les femmes et les personnes dissidentes. Dans d’autres cas, elle participe au renforcement de cette domination sur d’autres groupes sociaux discriminés, en servant un agenda politique fémonationaliste et raciste qui exige davantage de police dans l’espace public et des lois sur l’immigration bien plus sévères encore. En France par exemple, on observe clairement cette sinistre dynamique avec l’introduction par Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État chargée de l’égalité, d’un corps de police spécifique pour la verbalisation des insultes sexistes proférées dans l’espace public et de la double peine pour les étrangers coupables de violences sexistes ou sexuelles (voir solidaritéS no 373).
Construisons un rapport de force collectif et solidaire
En tant que féministes anticapitalistes, antiracistes et internationalistes, nous devons penser la violence de genre dans une perspective globale, comme l’une des expressions d’un système capitaliste patriarcal, raciste et colonialiste.
Les autorités suisses participent activement à la reproduction de ce système et nous ne pouvons pas attendre d’elles qu’elles nous offrent de réels outils de lutte. À travers nos expériences militantes collectives et solidaires, nous devons donc construire des rapports de forces et esquisser des pistes pour sortir du continuum de ces violences qui exploitent, oppriment et tuent.
La pétition féministe européenne lancée le 11 novembre dernier par la coalition Feminist Asylum qui exige la reconnaissance effective des motifs d’asile spécifiques aux femmes, aux filles et aux personnes LGBTQIA+ et le respect par les États européens des engagements pris dans le cadre de la Convention sur la lutte contre la traite et de la Convention d’Istanbul s’inscrit dans cette perspective (voir page 3).
Rosie Moser