Portugal

Les impasses de la gauche : santé, retraites et emploi

Des élections anticipées auront lieu en janvier 2022 au Portugal à la suite du refus du projet de budget du gouvernement du Parti socialiste (PS) pour 2022. Retour sur les raisons de ce refus.

Manifestantes avec drapeaux et œillets à Lisbonne
Tronçon du Bloc de gauche lors du défilé du 1er Mai 2021, à Lisbonne

En octobre dernier, après les élections locales de septembre, le PS a présenté un projet de budget pour 2022 poursuivant une politique de restriction budgétaire. Refusant la marge économique disponible en raison de la suspension des règles du traité budgétaire, le gouvernement n’a pas été à la hauteur en matière d’investissements publics, de réponse à la crise énergétique, de lutte contre les inégalités et de valorisation des salaires. Mais c’est surtout dans les domaines de la santé, des retraites et du droit du travail que se trouvent les impasses de la gauche.

Le Bloco de Esquerda (« Bloc de gauche », parti représentant la gauche radicale parlementaire portugaise) a présenté neuf mesures à négocier, qui ont toutes été rejetées en totalité ou en partie et ce sur des aspects cruciaux. Dans le domaine de la santé : refus de dedicação plena (un dispositif qui fournit des ressources aux administrations sanitaires et permet aux professionnel·le·s de se consacrer exclusivement et à plein temps au service national de santé).

Dans le domaine des retraites : abrogation du « facteur de réduction » et nouveau calcul des pensions pour éliminer les réductions concernant les bénéficiaires ayant cotisé longtemps et les professions épuisantes, réexamen de l’âge de la retraite.

Dans le domaine du droit du travail : rétablissement des règles d’avant la troïka sur les heures supplémentaires, les congés, les indemnités de licenciement et les négociations collectives.

Quant au Parti communiste portugais (PCP), il a axé ses revendications sur l’augmentation du salaire minimum et des retraites ainsi que la gratuité des services de garde d’enfants. Pour la première fois, il a inclus les lois du travail dans les négociations sur le budget de l’État.

Dès la présentation du projet de budget, le président de la République, Marcelo Rebelo de Sousa, a publiquement menacé les partis de dissoudre l’Assemblée de la République en cas de vote contre le projet. Sans fondement constitutionnel (la non-­approbation du budget ne requiert pas la dissolution du parlement), la menace du président a favorisé l’inflexibilité tactique du premier ministre António Costa dans les négociations.

Face au refus du budget, Marcelo Rebelo de Sousa a annoncé le 4 novembre dernier la dissolution du Parlement et des élections législatives anticipées pour le 30 janvier 2022.

2022 : la gauche se bat pour son programme et son mandat populaire

La convocation d’élections anticipées intervient dans un climat diffus de méfiance populaire et de pression médiatique sur la gauche. Après avoir exposé clairement ses propositions de négociation et démontré l’inflexibilité du gouvernement, le Bloc de gauche n’a pas renoncé au dialogue avec les secteurs populaires de la gauche qui penchaient pour une viabilité du budget.

La droite part pour ces élections avec trois congrès prévus et deux processus de conflits internes, et dans la campagne, elle mesurera son discours sur la possibilité de futures alliances avec l’extrême droite du parti CHEGA (affilié au parti européen « Identité et démocratie » regroupant notamment la Ligue italienne et le Rassemblement national français). Il est très peu probable (et aucun sondage ne l’indique) que cette aile droite puisse obtenir une majorité des voix. Quant à la majorité absolue du PS, elle n’existe encore que dans les calculs d’António Costa.

Les élections ne doivent pas être un règlement de comptes. Donner de la force au Bloc de gauche est la clé d’un nouvel élan pour les négociations à gauche, c’est donc essentiel.

Adriano Campos dirigeant national du Bloc de gauche et membre de la IVe Internationale. Traduit du portugais par la revue Inprecor et adapté par notre rédaction

« PENSER LA RÉVOLUTION D’AVRIL EN NOVEMBRE »

Mario Tomé, capitaine de la révolution des Œillets portugaise et homme politique, sera l’invité de l’Association 25 avril – Genève. Il témoignera d’un épisode-clé et controversé du processus de transition démocratique: la contre-­révolution du 25 novembre 1975.

Le 25 avril 1974, la révolution des Œillets mettait fin à 48 ans de dictature salazariste au Portugal et dans ses colonies. Pendant 19 mois, le Portugal connaît une période dite du Processus révolutionnaire en cours (PREC) où partis, militaires et mouvements politiques et populaires confrontent leurs visions pour l’avenir du pays. Le 25 novembre 1975, un coup politico-­militaire mené par une élite militaire dite des « Neufs » met un terme au processus révolutionnaire. La mise en place d’une démocratie parlementaire libérale se concrétisera le 2 avril 1976, par l’approbation d’une nouvelle Constitution.

A25a Genève

Sa 27 novembre – 19h
Maison internationale des associations
15 rue des Savoises, Genève