Nous ne saurons jamais quand nous devrons travailler...

Nous ne saurons jamais quand nous devrons travailler…

Ursi Urech, vice-présidente de la VPOD/SSP-Zürich et enseignante en école professionnelle, exigeait l´été dernier déjà le retrait de l´initiative pour une durée du travail réduite. Elle nous a accordé cette interview.

Tu préconises le NON à l´initiative. Une réduction du temps de travail est-elle donc mauvaise?

L´exigence d´une réduction de la durée du travail est énorme auprès des travailleurs et travailleuses, et j´y suis bien entendu favorable. Cependant, l´initiative de l´USS n´est pas une initiative pour une réduction du temps de travail, mais pour un temps de travail annuel. La formule «semaine de 36 heures» n´apparaît pas une seule fois dans le texte de l´initiative. Ce n´est qu´un ordre de grandeur calculé, virtuel. Si l´initiative est acceptée, les salarié-e-s travailleront au moins 36 heures par semaine. Les différents modèles de temps de travail rendus possibles selon l´USS, sont une illusion. Pour qu´ils puissent vraiment être adoptés, il faudrait un véritable droit d´intervention des travailleurs/euses dans la fixation de la durée du travail. Or, cette initiative n´introduit pas ce droit. Seul le patron décidera combien d´heures on travaillera tel ou tel jour. Tant que l´on ne peut pas modifier cela, l´autonomie de temps promise par l´USS reste une farce.

Pourquoi crains-tu des effets négatifs de l´initiative?

Avec la concession de l´annualisation du temps de travail, les syndicats veulent précisément obtenir une réduction du temps de travail annuel. Ainsi, les syndicats proposent aux employeurs ce que ces derniers eux-mêmes souhaitent: à savoir le temps de travail annuel, qui leur permettrait ainsi de rationaliser la gestion de leurs entreprises, tout en diminuant leurs coûts. Les salarié-e-s ne seraient alors engagés qu´au moment et dans le lieu précis où il y a du travail. Sinon, ils pourraient prendre congé ou partir en vacances. Comment peut-on exiger une réduction de la durée du travail pour garantir des places de travail, et proposer en même temps quelque chose qui mène justement à un effectif minimal pour des performances maximales, voire à des licenciements?


Les travailleurs/euses de Renault ont dû vivre cette expérience, ceux de VW également. Si les syndicats associent réduction du temps de travail et temps de travail annuel, ils légitiment la politique de flexibilisation des patrons. Si l´annualisation du temps de travail continue à prendre de l´ampleur, les conséquences en seront négatives sur la vie familiale et les contacts sociaux. Nous ne saurons jamais quand nous devrons travailler, ni quand nous aurons congé. Et quand nous aurons congé, les connaissances que nous aimerions alors rencontrer devront précisément travailler, et réciproquement.

L´USS s´appuie beaucoup sur des arguments en faveur des femmes. Ne serait-ce pas formidable que les hommes soient plus actifs à la maison?

Si la durée du travail subit une nouvelle poussée de flexibilisation, je prévois à vrai dire que le travail des personnes ayant des responsabilités familiales se compliquera davantage, parce qu´elles ne sauront jamais quand se termine leur journée de travail, quand elles ont congé, et elles ne pourront plus s´organiser longtemps à l´avance, parce que l´horaire de travail pourra alors être modifié en permanence. Une véritable autonomie de temps se concrétiserait, selon moi, si un syndicat pouvait faire accepter le droit pour les femmes, dans leur domaine, d´adapter leur plan de travail, en cas de nécessité, aux horaires des crèches ou de l´école. Cette situation est différente de celle où le patron vous informe la veille que votre horaire de travail du lendemain a été modifié. Dans ce sens, nous devons donner une toute autre signification à la flexibilisation.

Que proposerais-tu comme alternative à cette initiative?

Le temps de travail annuel, comme je l´ai déjà dit, correspond aux intérêts des patrons. Les syndicats doivent réfléchir bien davantage à la façon de s´en protéger, au lieu de le proposer eux-mêmes.



Si une réduction de la durée du travail vise véritablement à soulager les salarié-e-s, alors elle doit impérativement être introduite dans un laps de temps très court, et non pas sur 8 ans, comme le stipule l´initiative de l´USS. De cette façon, les employeurs ne sont pas obligés d´engager de nouveaux travailleurs/euses, mais ont tout le temps d´introduire de nouvelles «rationalisations» qui leur permettent de compenser ailleurs la diminution du temps de travail qu´ils ont concédée.



Les réductions de la durée du travail doivent aussi être introduites de façon générale, c´est-à-dire pratiquement pour tout le monde. Et elles doivent être liées à de nouvelles embauches, qui soient contrôlées par les commissions du personnel et/ou par les syndicats, sinon le rythme de travail sera simplement augmenté.


Propos recueillis par Urs DIETHELM