Grèce

Le nouveau mouvement féministe jeune et radical, à l’avant-garde des résistances populaires !

Depuis 2 ans, la question des droits des femmes occupe une place très importante dans le débat public grec, avec des attaques du gouvernement contre ces droits et une forte résistance du mouvement féministe. 

Deux femmes crient lors de la manifestation du 8 mars
400Manifestation du 8 mars 2021, Athènes

Encouragé par la victoire de la « Nouvelle Démocratie » aux élections législatives de 2019, l’Église orthodoxe grecque invente une journée dédiée à « l’enfant à naître », dans le but de protéger la vie de l’enfant avant la naissance et de résoudre le problème démographique de la nation grecque. 36 ans après la légalisation de l’avortement en Grèce, l’Église donne ainsi le signal d’une attaque frontale contre ce droit si durement acquis. Quelques jours avant le nouvel an de 2020 et la journée dédiée à « l’enfant à naître », la première page d’une revue sportive provoque un tsunami d’indignation en faisant figurer sur sa couverture une grande main tenant un tout petit fœtus dans sa paume. En dessous de la main, il est écrit : « LAISSEZ-MOI VIVRE ».

Le ministre du Développement s’empresse de féliciter la revue, affirmant qu’en Grèce le déséquilibre entre avortements et naissances poserait des problèmes de natalité et de survie de la Nation. Le visuel et le slogan du magazine sont également repris par des affiches géantes dans le métro et une longue liste d’associations chrétiennes orthodoxes fondamentalistes revendiquent la paternité de cette campagne. Elles sont soutenues par de nombreux ministres et hauts fonctionnaires du gouvernement. Une forte réaction de l’opinion publique pousse toutefois le ministère des Transports à retirer les affiches. 

Le retour de la loi du père

En mai 2021, le gouvernement adopte une loi relative à l’autorité parentale conjointe, qui réforme des articles clés du Code civil en matière de droit familial. La nouvelle mouture de la loi impose la garde parentale conjointe obligatoire. L’enfant est ainsi forcé de passer 1/3 de son temps avec le parent avec lequel, d’habitude, il ne vit pas, même s’il ne le désire pas, même si celui-ci est violent.

Le projet de loi est sévèrement critiqué par les juristes grecs, à la fois pour sa faiblesse juridique, la violation des droits humains et de la Convention d’Istanbul. Il est également rejeté par le mouvement féministe. 

Finalement, le Parlement adopte le projet de justesse mais la résistance des féministes sème le trouble même à l’intérieur du Conseil des ministres et provoque des dissensions dans le groupe parlementaire de Nouvelle Démocratie, une première depuis 2019 ! 

Après le vote de la loi, des membres de lobbys masculinistes lancent des menaces physiques contre les juges et les procureurs du pays pour les contraindre à appliquer la loi en faveur des pères. 

L’irruption du #MeToo grec, le réveil des consciences et le renouveau du mouvement féministe 

À la mi-janvier 2021, en pleine pandémie, plus de trois ans après l’apparition du mouvement #Metoo aux États-Unis, le #MeToo grec a fait une irruption fracassante sur les devants de la scène sociale et politique du pays lorsque Sofia Bekatorou, 43 ans, double médaillée (or et bronze) olympique de voile, déclare publiquement avoir été violée à l’âge de 21 ans par un haut responsable de la Fédération grecque de voile. Elle lance un message à toutes les femmes du pays : « Brisez le silence, parlez ! »

À l’été 2021, un nombre important de meurtres de femmes par leur compagnon place la question de la violence de genre sur le devant de la scène médiatique et politique. En comparaison à un passé récent, les médias parlent abondamment de ces féminicides, les langues se délient, les partis politiques sortent de leur silence habituel, et surtout, les femmes descendent dans les rues, féministes en tête, pour crier leur colère et appeler à la solidarité !

Dans le même temps, le Secrétariat général de la politique démographique et familiale et de l’égalité des sexes soutient, aux côtés de l’Église, d’entreprises de procréation assistée et de la Présidente de la République hellénique elle-même, la « 1re Conférence panhellénique sur la fertilité ». Après un nouveau tollé général et une forte mobilisation féministe, la Présidente Mme Katerina Sakellaropoulou est contrainte de retirer son soutien à la Conférence. La quasi-totalité des participants officiels font de même et la conférence est annulée. 

L’année 2021 a ainsi vu la naissance en Grèce d’un renouveau du mouvement féministe, jeune, radical mais aussi unitaire, qui occupe déjà les avant-postes des luttes populaires contre la Sainte Alliance de la réaction néolibérale et de l’obscurantisme nationaliste et orthodoxe. L’événement est de taille, presque historique, dans une société grecque conservatrice et déboussolée, qui est toujours à la recherche d’une gauche digne de ce nom.

Sonia Mitralia