Grèce

Skouries, une lutte pour la terre et la liberté

Entretien avec des membres du Comité de lutte de Megali Panagia, qui lutte contre l’extractivisme au nord de la Grèce. Cet échange a eu lieu dans l’Espace Autogéré de Lausanne sur fond de musique populaire grecque (Rebetiko). La discussion était riche en proverbes, comme le veut la coutume en Grèce.

Des manifestants écologistes protestent contre une mine en Grèce
De nombreuses manifestations ont eu lieu aux alentours du site contre l’exploitation minière. Forêt de Skouries, octobre 2016.

Quand et comment a commencé la lutte du Comité de lutte de Megali Panagia?

L’histoire des extractions dans la région de Chalcidique est de longue date. Dans les années 1980 et 1990, un projet d’extraction d’or a commencé dans la région d’Olympiàda. Quand le projet a débuté, la population locale a réagi collectivement en bloquant les sites d’extraction. Leurs efforts ont porté leurs fruits: sur la base du caractère polluant de l’extraction d’or, le projet a été annulé par un tribunal local. En réaction au succès de cette lutte, en 2004, un ministre a autorisé l’achat par Hellas Gold SA d’un territoire de 31 700 hectares dans la région de Skouries, afin de mener un nouveau projet d’extraction. 

La région regroupe de nombreux villages, l’une des plus grandes forêts du pays et de nombreuses sources d’eau douce. En 2006, un projet d’extraction est déposé. La population n’a pas tardé à réagir et l’année suivante plusieurs comités de luttes se sont créés dans les villages limitrophes, dont celui de Megali Panagia. 

À partir de ce moment, un mouvement national en opposition à l’extractivisme est fondé et a fait écho dans toute la Grèce. En 2009, une Zone à défendre est mise en place avec succès dans la forêt de Skouries afin de bloquer l’étude géologique de la région. 

Trois ans plus tard, l’entreprise est rachetée par Eldorado Gold, une multinationale canadienne. La nouvelle entreprise, plus déterminée que son homologue grecque, décide par un coup de force d’envoyer 300 travailleurs dans le site d’extraction de Skouries pour entamer le projet minier. Cet événement provoque de grandes manifestations contestataires appuyées par la communauté locale et par des milieux antiautoritaires et anarchistes de Thessalonique. 

La réponse du gouvernement est brutale. La police réprime violemment le mouvement et active son dispositif antiterroriste menant à des surveillances de masse et des dizaines de poursuites pénales arbitraires.

Quels sont les impacts des extractions sur l’environnement et la population locale?

Durant cette période, la multinationale canadienne a profité de la crise économique et sociale dévastatrice en Grèce pour mener une politique de division et de démantèlement du tissu social local. Jusqu’à ce jour, la population est divisée entre opposant·e·s fervent·e·s aux extractions et personnes économiquement dépendantes des mines. 

Les impacts environnementaux sont également catastrophiques. L’entreprise assèche activement les sources d’eau douce, ôtant le droit à l’eau pour la population et la faune locales, des grandes parties de la forêt de Skouries sont rasées et les courants d’eau, ainsi que les terres, sont contaminés par les résidus des processus miniers. Les impacts sociaux et environnementaux des activités d’Eldorado Gold sont typiques d’une multinationale qui détruit sans scrupules des communautés et des terres lointaines. 

Quelles ont été les réactions internationales?

Selon un proverbe turc, «ne te tais pas, car si tu te tais, ton tour viendra». La solidarité internationale est très importante depuis le début du projet minier. Nous avons tissé des liens avec de nombreuses communautés autochtones sud-américaines, car nous considérons que notre combat pour la terre et la liberté est également le leur. Nous avons également des contacts avec des mouvements similaires en Italie, en Espagne et en Allemagne et nous avons fait le tour de l’Europe pour parler de notre situation. 

La question des minéraux et de l’extractivisme est après tout un sujet international et nous concerne tous·tes : il faut réduire ce que nous consommons, ce que nous achetons! Nous pensons qu’il faut ouvrir une discussion collective sur les besoins de notre société. 

Quelle est la situation actuelle de la lutte?

Grâce aux actions du comité de lutte, les activités minières de Skouries ont été retardées. Aujourd’hui, l’entreprise ne va pas bien, elle est en train de licencier ses travailleur·euse·s, mais la lutte n’est pas terminée et devra être portée par les générations suivantes. Une lutte qui ne nous appartient pas individuellement, elle appartient à la collectivité. Nous avons deux revendications principales: la fin des extractions dans la région et la compensation par le gouvernement grec pour les dommages environnementaux et économiques.

Un dernier mot?

Même si on ne gagne jamais, on luttera toujours – Vasilis Maggos

Propos recueillis par Ph. K.