La Valencienne autogérée!
Depuis 3 ans, le collectif autogéré La Valencienne, qui défend un espace de quartier vivant et ouvert, est en lutte avec la Ville de Lausanne. Bien que cette dernière prétende défendre la culture associative, la politique de quartier de son municipal en charge David Payot (POP) empêche tout terrain d’entente. Entretien avec deux membres fondateurs du collectif, Léo et Sem.
Pouvez-vous donner un bref historique de votre collectif et du lieu?
Le collectif actuel, qui comprend une association légalement constituée – condition pour dialoguer avec la Ville – est né pendant le Covid. De nombreuses personnes du quartier, de tout statut social, ont trouvé ici un lieu de rencontre extérieur qui manquait cruellement à cette période. Certaines ont commencé à s’impliquer dans la gestion du lieu. Cette période a aussi été marquée par la fin de l’ancienne association, dont plusieurs membres manquaient de temps, et par le départ d’habitué·e·s qui n’ont pas réussi à cohabiter avec une population fortement hétéroclite.
Comment fonctionnez-vous depuis cette période?
Il faudrait un article entier sur la question! Bien que le changement de serrure, cet été, change la donne au niveau du cabanon, des toilettes et des déchets, le lieu se veut toujours ouvert et autogéré. Il y a un travail de réappropriation de l’espace par de l’aménagement, des activités quotidiennes de rangement, de l’entretien, des repas… bref, de vie commune spontanée.
Des événements publics, concerts, vide-dressings sont régulièrement organisés sans constituer évidemment l’essentiel de ce qui s’y passe. Mais, il faut noter que le collectif ne prétend pas détenir l’exclusivité du lieu: la cohabitation avec d’autres acteurs·trices est l’une de nos priorités, à condition de ne pas chasser les gens qui le font vivre actuellement. L’arrivée de l’Amicale de pétanque depuis deux ans en est un bon exemple.
Quels sont vos rapports avec la Ville?
Ils sont résolument conflictuels. Bien que des employé·e·s municipaux·ales semblent ravi·e·s qu’un tel lieu existe, les structures institutionnelles et l’idéologie sous-jacente ne permettent pas une réelle appropriation de cet espace par les habitant·e·s.
Tout doit être contrôlé en amont et la logique de «projet» prédomine. Cela tue toute spontanéité et exclut beaucoup d’initiatives qui sont souvent menées par des personnes déjà marginalisées.
Les multiples tentatives de signature d’une convention avec la Ville sont symptomatiques : elle propose unilatéralement des conditions restrictives, tardivement dans l’année, sans laisser de place à la discussion ni donner de garanties pour l’année suivante. Cela débouche sur un flou perpétuel et use nos forces bénévoles.
Quelle est la situation actuelle?
D’après M. Payot, la Ville ne veut pas faire de la Valencienne un énième lieu de consommation. Cependant, elle occulte les contradictions que nous dénonçons en s’enthousiasmant qu’une association comme MonLausanne, liée à une Sàrl de production musicale, y organise de l’événementiel subventionné qui est principalement destiné à ses followers. Ce type d’acteur est plus compatible avec les logiques de la Ville, mais favorise le win-win privé-public et les intérêts personnels de quelques-un·e·s (réseautage, copinage, avantages en tout genre) au détriment d’un vivre-ensemble pour toutes et tous.
Cette vision de la vie associative, calquée sur le modèle managérial, est à dénoncer car elle amorce des processus de gentrification, si fréquents aujourd’hui. De plus, cette vision est infantilisante: on ne doit pas être partie prenante dans la construction d’un lieu, mais des «consommateur·trice·s» de «produits culturels» fournis par des «prestataires de services».
On vous accuse parfois, Sem et Léo, d’imposer votre vision personnelle au lieu. Que répondez-vous à cela?
Nous donnons beaucoup de temps, à écrire des communiqués de presse mais surtout sur place, avec le voisinage, pour défendre la pluralité et l’autogestion du lieu. Cette implication est sans calcul.
Nous sommes toujours étonnés de devoir rappeler qu’agir par idéal et par plaisir est non seulement possible, mais surtout répandu chez de nombreuses personnes. Fréquemment, ces accusations d’appropriation viennent d’employé·e·s municipaux·ales ne connaissant que la logique d’intérêt personnel via l’associatif. Il suffit pourtant de venir, d’observer le fonctionnement et la place qui est donnée à chacun·e pour se faire une idée de la réalité.
Comment peut-on aider la Valencienne?
En venant sur place et en participant à la vie du lieu ! Pour vos éventuels contacts (politiques, journalistes, etc.), il existe aussi un comité de soutien qui défend les intérêts de notre collectif. Comme l’envie est grande et que nos enjeux liés à l’autogestion non militante dépassent le cadre de la Valencienne, si vous souhaitez participer, qui que vous soyez, écrivez-nous !
Propos recueillis par Guillaume Guex