Le cri d’alarme strident du GIEC

D’après le GIEC, la catastrophe est plus grave que projetée par les modèles. Les pauvres, les peuples indigènes, les femmes, les enfants et les personnes âgées sont de plus en plus menacé·e·s, surtout dans les pays du Sud. Les politiques sont inadéquates et creusent les inégalités. 

Personnes avec des parapluies au milieu d'une tempête
Fin février 2022, l’Est de l’Australie a connu des inondation qui ont causé 21 victimes.

Les écosystèmes sont partout altérés par le changement climatique. Pour certains d’entre eux, les limites de l’adaptation sont dépassées (en particulier dans les régions polaires et équatoriales) – ils ne pourront pas se régénérer naturellement. Tandis que la moitié de la population mondiale connaît une pénurie d’eau sévère au moins un mois par an, un demi-milliard de gens vivent dans des régions où les précipitations moyennes se situent désormais au niveau des pluies qui ne se produisaient auparavant que tous les six ans. 

La fonte des glaciers de montagne cause des inondations ou des pénuries en aval et les maladies causées par l’eau touchent des millions de personnes supplémentaires en Asie, Afrique et Amérique centrale. Le changement climatique est devenu un facteur majeur des migrations et des déplacements de populations humaines. Depuis 2008, 20 millions de personnes sont obligées de se déplacer chaque année par suite d’évènements météorologiques extrêmes (en particulier les tempêtes et les inondations).

Les projections

Selon les auteurs·trices, tout réchauffement supplémentaire à court terme augmente les risques pour les écosystèmes dans toutes les régions. Les phénomènes météo­rologiques extrêmes et autres facteurs de stress augmenteront en ampleur et en fréquence, accélérant la dégradation des écosystèmes et la perte de services écosystémiques. 

À 1,6 °C de réchauffement, le nombre de personnes déplacées en Afrique suite aux inondations augmentera de 200 % (et de 600 % à 2,6 °C). À 2 °C de réchauffement, les sécheresses agricoles extrêmes augmenteront de 150 à 200 % dans le bassin méditerranéen, en Chine de l’Ouest et aux hautes latitudes d’Amérique du Nord et d’Eurasie. À 2,5° C, 55 % à 68 % des espèces de poissons d’eau douce exploitées commercialement en Afrique seront à risque d’extinction. À 4 °C de réchauffement, la fréquence des incendies augmentera de 50 à 70 %. 

Les rangs des victimes de la malnutrition grossiront, surtout en Afrique, en Asie du Sud et en Amérique centrale. Dans tous les scénarios, des régions du globe qui sont densément peuplées aujourd’hui deviendront dangereuses ou inhabitables. Si les politiques inégalitaires continuent, le nombre d’humains vivant en extrême pauvreté passera de 700 millions à un milliard dès 2030.

Préoccupations majeures

Comme dans les précédents rapports, le Groupe de travail II du GIEC discerne cinq « raisons de préoccupation majeures » (« major Reasons for Concern», RFC) : les écosystèmes uniques menacés, tels que les massifs coralliens et les milieux montagnards ; les phénomènes météorologiques extrêmes ; la distribution sociale des impacts ; certains effets globaux agrégés, tels que le nombre de décès climatiques ; les évènements isolés de grande ampleur, tels que la dislocation des calottes glaciaires. 

Pour chacune de ces RFC, les auteurs·trices comparent le niveau de risque actuel au niveau de risque évalué dans leur précédent rapport (5e rapport d’évaluation du GIEC, 2014). La conclusion de la comparaison devrait retentir comme une sirène d’alarme : le risque est passé de haut à très haut pour les cinq RFC dans tous les scénarios. 

Limites de l’adaptation, injustice des politiques

Les gouvernements prétendent mener une politique d’adaptation à la part inévitable des changements climatiques, comme prévu dans les accords internationaux. Le rapport en dresse le bilan :

  • Elle est injuste, inefficace et bénéficie davantage aux revenus aisés qu’aux plus pauvres ; 
  • Au lieu de complémenter l’indispensable réduction drastique et rapide des émissions de gaz à effet de serre, elle lui sert de substitut, de sorte que le réchauffement s’aggrave, ce qui réduit les possibilités d’adaptation, au détriment des pauvres ; 
  • Ces marges de manœuvre sont encore réduites du fait du déploiement de mesures visant à contourner la réduction des émissions (par exemple : capture-séquestration du carbone, plantations d’arbres, grands barrages hydroélectriques) au détriment des peuples indigènes, des populations pauvres et des femmes. 

Le rapport du GIEC ne fournit évidemment pas une stratégie sociale de lutte contre la catastrophe climatique capitaliste : le ton général est celui des bonnes intentions et des vœux pieux d’inclusion de tous les acteurs sociaux. Mais les activistes des mouvements sociaux y trouveront deux choses utiles à leur combat : une confirmation scientifique de l’extrême gravité des impacts du réchauffement, et une mise en évidence rigoureuse de l’injustice systémique des politiques climatiques.

Daniel Tanuro
Paru sur le site de la Gauche Anticapitaliste belge. Adapté par notre rédaction