Victoire des syndicats chez Amazon
La nécessité d’un syndicalisme de lutte de classe
Les travailleurs·euses d’Amazon à New York ont remporté une victoire sans précédent. Menés par un syndicat indépendant et combatif, l’Amazon Labor Union (ALU), ils·elles ont remporté un vote pour la reconnaissance de leur syndicat dans un entrepôt de Staten Island.
Ils et elles ont inspiré les travailleurs·euses de tout le pays et ont donné des frissons au patron d’Amazon, Jeff Bezos, et au reste des baron·ne·s voleurs·euses des temps modernes qui dirigent le capitalisme américain. Bezos et ses sbires avaient traité l’ALU et son président par intérim, Chris Smalls, avec mépris et racisme, le décrivant comme « ni intelligent ni éloquent » et le qualifiaient, lui et son équipe d’organisateurs·trices, de « criminel·le·s ».
Assuré que la campagne de syndicalisation se terminerait par une défaite, Bezos est retourné à ses préoccupations nombrilistes concernant les voyages dans l’espace. En annonçant la victoire du syndicat, Smalls a déclaré : « Nous voulons remercier Jeff Bezos d’être allé dans l’espace, car lorsqu’il était là-haut, nous faisions syndicaliser des gens.»
L’ALU a gagné en utilisant des stratégies de lutte de classe, abandonnées depuis longtemps par les syndicats bureaucratisés des États-Unis. Il a organisé des réunions dans les parkings et aux arrêts de bus, et est devenu la tribune pour toutes les plaintes des travailleurs·euses contre leurs patron·ne·s. Cette victoire a été remportée par des travailleurs·euses organisant par le bas d’autres travailleurs·euses, indépendamment de tout syndicat national.
Cette victoire a encouragé des efforts de syndicalisation similaires dans d’autres entrepôts d’Amazon, ainsi que chez Starbucks, Apple et Google. Le succès de ces luttes pour la reconnaissance syndicale et, plus important encore, l’amélioration des salaires, des avantages sociaux et des conditions de travail dans leurs premiers contrats dépendront de ce que feront les syndicalistes de la base, les syndicats et les socialistes dans les mois à venir.
Contre-offensive réactionnaire des patrons
Amazon a déjà lancé sa contre-offensive. La multinationale a fait échouer une deuxième tentative de syndicalisation de l’entrepôt Amazon de Bessemer, en Alabama, a lancé une contestation judiciaire contre la victoire de l’ALU à Staten Island et redouble sa propagande antisyndicale et ses manœuvres d’intimidation pour empêcher toute action dans d’autres entrepôts.
Les patron·ne·s sont déterminé·e·s à maintenir les travailleurs·euses éparpillé·e·s. Seuls 10,3 % des travailleurs·euses sont syndiqué·e·s et à peine 7 % dans le secteur privé, avec peu ou pas d’organisation dans les États dits du « droit au travail » dans lesquels des lois interdisent les accords syndicaux entre employeurs·euses et syndicats, en particulier dans le Sud du pays.
La classe dirigeante étas-unienne, les républicains et les démocrates ont imposé ces conditions par le biais d’une guerre de classe implacable depuis la fin des années 1970. En conséquence, les États-Unis ont développé des inégalités de classe et sociales les plus profondes de tous les États capitalistes avancés.
La stratégie de collaboration patronale-syndicale de l’administration syndicale, les méthodes antidémocratiques d’organisation et le souci d’élire et de faire pression sur les démocrates se sont avérés incapables de résister à cette offensive patronale. En conséquence, les États-Unis ont développé des inégalités de classe et sociales les plus profondes de tous les États capitalistes avancés.
La grande récession, la faible reprise économique, la pandémie, une autre forte récession et une autre faible reprise ont encore creusées/approfondies ces inégalités. Tandis que les milliardaires américains voient leurs nombres augmenter et leurs fortunes s’accumuler, les travailleurs·euses se débrouillent tant bien que mal pour subvenir à leurs besoins alors que 140 millions de personnes ont contracté le COVID et que plus d’un million ont perdu la vie.
Ces conditions ont produit des explosions épisodiques de lutte sociale et de classe, allant de Occupy à Black Lives Matter, en passant par des grèves d’enseignant·e·s et d’infirmiers·ères, et des expressions politiques de ce militantisme explosif dans les campagnes de Bernie Sanders, et de nouvelles séries de luttes de travailleurs·euses essentiel·le·s au milieu de la pandémie. Mais ces explosions n’ont pas encore permis de construire de nouvelles organisations, de nouveaux syndicats et de créer un élan durable à la hauteur de la tâche consistant à inverser la guerre sociale et de classe unilatérale contre les travailleurs·euses et les opprimé·e·s.
Pour un syndicalisme démocratique et combatif
Néanmoins, les conditions sont aujourd’hui réunies pour que les travailleurs·euses tirent parti de la victoire d’Amazon. Les travailleurs·euses non syndiqué·e·s, inspiré·e·s par la victoire chez Amazon, pourraient lancer des campagnes encore plus importantes chez Starbucks et Apple, et les travailleurs·euses syndiqué·e·s auront peut-être à faire grève pour obtenir de meilleurs contrats. Mais, pour que ce potentiel se réalise, les syndicats, les militant·e·s de la classe ouvrière, et la gauche socialiste devront rompre avec les stratégies ratées du syndicalisme d’affaires.
Les travailleurs·euses non syndiqués, inspirés par la victoire chez Amazon, pourraient lancer des campagnes encore plus importantes chez Starbucks et Apple, et les travailleurs·euses syndiqués auront peut être à faire grève pour obtenir de meilleurs contrats. Mais, pour que ce potentiel se réalise, les syndicats, les militant·e·s de la classe ouvrière, et la gauche socialiste devront rompre avec les stratégies ratées du « syndicalisme d’affaires ».
Nous devons reconstruire le syndicalisme de lutte de classe en mettant l’accent sur l’organisation de la base, la démocratie syndicale, la solidarité contre toutes les divisions, les tactiques militantes comme la grève, même si elle enfreint la loi, et l’indépendance vis-à-vis des deux partis du capital. Le syndicalisme de lutte de classe sera nécessaire pour saisir l’opportunité de ce moment et reconstruire le mouvement ouvrier.
Ashley Smith membre des Democratic Socialists
of America et de Tempest Collective.