De l’initiative populaire vers un mouvement populaire

AG!SSONS est un appel « pour un plan d’urgence démocratique, écologique et social » qui vient d’être lancé. Entretien avec l’un de ses co-initiateurs·rices, Steven Tamburini.

Des enfants pour le climat
Remise de l’initiative des glaciers, Berne, 28 novembre 2019

Comment définis-tu AG!SSONS ?

C’est une plateforme d’actions citoyennes qui vise à lancer des vagues d’initiatives populaires (plusieurs en même temps) et à rassembler un maximum de citoyen·ne·s inquiet·e·s face aux enjeux démocratiques, écologiques et sociaux – qui devraient selon nous être les trois thématiques principales dans l’espace politique et médiatique aujourd’hui.

Quel est le processus qui a amené à ce projet ?

Nous avons eu des discussions notamment avec diverses personnes dont la majorité ont arrêté ou presque de militer, qui ne se sentaient plus à l’aise dans leur espace militant. Il y avait la volonté de construire un outil qui ne soit pas en compétition avec les organisations de lutte mais complémentaire. Un outil dont elles pourraient se saisir.

Nous voulions sortir du paradigme du mobilizing (la mobilisation comme finalité). Nous voulions pouvoir grandir, accumuler des forces et ne pas s’effondrer. Nous nous sommes inspiré·e·s d’expériences populaires et massives, par exemple l’opposition au pipeline Keystone XL ou à l’Union populaire. Leur point commun et élément clef est le primat du travail d’organisation sur la mobilisation. Les deux choses ne sont certes pas contradictoires, mais la deuxième doit être au service et s’appuyer sur la première. Cela permet à chacun·e de s’investir sur le long terme. Selon nous, l’un des champs qui le permet est celui des initiatives populaires.

Comment êtes-vous organisé·e·s ?

Nous nous organisons autour de trois pôles : politique (donner les orientations), communication (réseaux sociaux, presse, etc.) et actions (en lien avec toutes les organisations et avec la grande majorité des gens). Il y a un secrétariat constitué des responsables des pôles qui planifie et coordonne la stratégie qui, à l’avenir, sera définie par des assemblées générales.

Nous pensons que l’orientation stratégique ne peut pas être discutée tout le temps. Comme le disait un organisateur de la campagne de Bernie Sanders : « Le plan est centralisé, le travail est distribué ». Le but est de partager les activités et de permettre à tout le monde de prendre des tâches sans que la structure ne s’effondre. Nous pensons que les gens doivent passer à l’action rapidement sans quoi ils arrêtent de militer et entrent dans un découragement profond. Nous voulons nous implanter en Romandie mais aussi en Suisse alémanique et au Tessin.

Quels enjeux politiques voulez-vous traiter avec vos initiatives ?

Le slogan d’AG!SSONS est « Décidons ensemble : produisons moins et partageons mieux », ce qui donne un horizon assez clair. Pour avoir une bifurcation écologique, il faut réduire nos productions, partager mieux les richesses et les savoirs. 

Plus concrètement, notre vision comporte trois piliers. Premièrement, il faut une triple démocratie : au niveau politique, économique (production, organisation sur les lieux de travail) et territorial. Deuxièmement, la planification écologique : comment vivre mieux dans les limites planétaires tout en construisant d’autres modes de vie ; définir les besoins de base de la population et comment les satisfaire par des services universels de base ; reconnaissance de nouveaux droits pour les humains et non-humains autour de la valeur du soin. 

Troisièmement, la solidarité internationale pour lutter contre le discours de la classe dirigeante qui affirme que la Suisse ne pèse presque rien en termes de destruction environnementale ; lutte pour un partage de l’information (techniques, brevets…) et contre son appropriation ; lutter pour la libre circulation des personnes. Nous voulons montrer comment ces trois piliers sont toujours liés.

La majorité des initiatives progressistes échouent. Récemment, les initiatives phytos, pour la souveraineté alimentaire, pour des multinationales responsables. Pourquoi avoir alors choisi l’initiative populaire comme outil ?

Certaines initiatives sont aussi passées (soins infirmiers, tabac, multinationales responsables ont obtenu la majorité du peuple). Les initiatives ne sont pas une finalité pour nous. Elles sont un moyen d’organiser les gens autour d’enjeux concrets et de visibiliser ceux-ci. La manière de mener l’initiative peut être variable. On peut réunir des gens très divers sur des propositions très concrètes à partir de leurs situations respectives et des intérêts communs. Nous reconnaissons que lorsqu’il faudra implémenter des initiatives que nous aurions réussi à faire passer, un rapport de force énorme sera nécessaire pour faire avancer les choses.

Propos recueillis par Guillaume Matthey

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