Ukraine
Le viol comme arme de guerre
Le viol est utilisé comme arme de guerre dans le cadre de l’invasion impérialiste de l’Ukraine par la Russie. Face à cette violence extrême, nous devons construire une solidarité féministe internationaliste et anti-autoritaire.
Depuis le début de l’invasion impérialiste du gouvernement russe en Ukraine le 24 février dernier, des témoignages se succèdent pour rapporter des pratiques de destruction de villes et de mises à mort de civil·e·s par les troupes russes. Le 6 avril, une psychologue établie à Boutcha, une ville au nord-ouest de Kiev qui a été le lieu de nombreuses exactions par l’armée russe, a décidé de témoigner publiquement pour la première fois de l’usage du viol comme arme de guerre par des soldats russes sur la population civile ukrainienne, principalement sur des femmes et des enfants.
Face au viol coordonné comme dispositif d’une guerre impérialiste…
L’usage du viol comme dispositif venant s’intégrer à un ensemble de pratiques militaires et guerrières est reconnu depuis le début des années 1990. Cette pratique systémique de viols répétés, parfois collectifs, par les soldats d’une armée sur les femmes et les enfants de la population, ou de l’ethnie, considérée comme ennemie a en effet été largement documentée dans le cadre de la guerre entre la Serbie et la Bosnie, du fait des soldats serbes.
Elle s’accompagne alors d’une volonté de purification ethnique: de nombreuses femmes victimes de ces viols répétés tombent enceintes de leur(s) agresseur(s), qui les retiennent séquestrées pour les empêcher de mettre un terme à cette grossesse. Elle permet aussi de renforcer, parallèlement, le sentiment d’appartenance à un groupe pour les hommes qui les commettent. Nombre de ces viols sont des viols collectifs, qui prennent alors une fonction de socialisation collective par la violence.
Ces actes de violence sexuelle sont considérés comme des pratiques de l’arsenal guerrier en tant que tels, et non pas comme des sous-produits « accidentels » de la guerre. Ils sont issus d’une volonté coordonnée de la part de la hiérarchie militaire de venir par ce biais porter atteinte à la population « adverse » jusque dans son corps, physique et social. Les viols sont souvent commis en public, devant la famille ou les proches des victimes. Dans le cas de l’agression russe, plusieurs indices semblent indiquer que ces actes sont issus d’ordres directs du gouvernement russe adressés aux soldats (voir le podcast quotidien sur la guerre de France culture du 6 avril).
Les actes de violences sexuelles rapportés de Boutcha, qui ne sont probablement que la pointe de l’iceberg, s’inscrivent dans le narratif du viol comme arme de guerre. Une jeune fille de 14 ans aurait ainsi été violée par plusieurs soldats russes juste devant l’entrée de sa maison. Un enfant de 11 ans a été violé par deux hommes sous les yeux de sa mère. Deux femmes ont subi des viols à répétition par plusieurs hommes qui s’étaient établis dans leur maison et les avaient séquestrées.
et patriarcale…
Nous savons que les femmes, les minorités de genre ou les personnes non-blanches sont victime·x·s des conflits armés d’une manière spécifique, propre aux oppressions systémiques qui les touchent. L’usage coordonné et répété du viol de femmes et d’enfants dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine, par des forces armées contrôlées par un homme, qui gouverne un pays impérialiste depuis plus de 20 ans, et qui incarne de bien des manières une masculinité dominante et violente, est ainsi un exemple du caractère patriarcal des conflits armés.
…la solidarité féministe internationaliste !
Face à ces crimes de guerre, nous devons impérativement travailler à construire une solidarité féministe internationaliste. Elle passe par le soutien à l’auto-défense armée de la population ukrainienne, et notamment des femmes et des minorités de genre, par l’exigence que ces viols soient reconnus comme des crimes de guerre et pour qu’un soutien matériel et psychique soit apporté à toutes les victimes.
Elle doit aussi passer par une réflexion approfondie, au sein de nos collectifs féministes et de nos organisations politiques, sur la manière dont la violence de genre se déploie de manière spécifique et structurante dans le contexte mondial actuel d’une montée du néolibéralisme autoritaire et des projets de droite fascisante. C’est le cas lors d’invasions impérialistes armées mais aussi dans celui d’extractions impérialistes de matières premières par des multinationales dans des pays de la périphérie des centres d’accumulation capitalistes, où les femmes qui résistent à l’expropriation de leur terre sont, elles aussi, fréquemment victimes de violences sexuelles.
Dans le cadre de la lutte contre ces violences de genre, nous devons absolument chercher à dépasser les seules demandes à l’encontre d’institutions nationales et internationales qui participent à produire et à consolider cette offensive néolibérale qui fait le lit de l’extrême droite. Nous devons construire une riposte féministe autonome et auto-organisée.
Rosie Moser
