France

Rentrée sociale: c'est pas gagné, mais un jour viendra

Tout devient plus dur, plus brutal, plus inquiétant. Les crises se multiplient, se succèdent, se renforcent, les crises économique, sociale, écologique, démocratique, sans oublier la crise sanitaire, toujours bien là en toile de fond.

Pancarte "il faut arrêter de nous prendre pour de jambons" posée sur le sol
Manifestation intersyndicale pour l’augmentation des salaires, Paris, 29 septembre 2022.

En France comme ailleurs, ces derniers mois, en plus des dégâts liés au dérèglement climatique (sécheresse, canicule, incendies, inondations…), la grosse préoccupation c’est l’inflation importante avec l’augmentation des prix partout, en particulier ceux des énergies, électricité et gaz. Ces augmentations touchent clairement aux conditions de vie des milieux populaires, déjà bien frappés par le chômage, la précarité, les bas salaires et les difficultés d’accès au logement, aux soins, à l’éducation, aux transports, autant de conséquences liées au démantèlement des services publics.

Voilà, pour résumer rapidement, la situation en cette rentrée de septembre. Les craintes et les mécontentements sont là c’est certain. Mais ils se mélangent à une forte résignation de la population, un sentiment de fatalisme, si bien ancré que la question de réagir ou de se défendre ne se pose pas vraiment pour énormément de gens.

Il faut dire que l’accumulation d’évènements graves et flippants, comme la guerre en Ukraine, les évènements météorologiques, les victoires électorales de l’extrême droite fascisante, la mort de la reine d’Angleterre (euh non, pas ça)… ça fait beaucoup et on comprend que ça puisse peser lourdement sur les cerveaux.

Mobilisations tièdes, en phase de réchauffement

Dans ces conditions, la rentrée sociale que nous souhaitons « chaude » chaque année s’avère encore une fois compliquée et décevante. Nous avons eu droit au rendez-vous classique de mobilisations inter-syndicales et interprofessionnelles. C’était le jeudi 29 septembre. Les cortèges dans les manifestations n’étaient pas massifs mais corrects tout de même, suffisamment pour passer des moments sympas dans la rue, pour assurer des retrouvailles des équipes militantes, ce qui a permis de discuter plus largement de la situation, d’échanger sur les perspectives, sur les espoirs ou sur les pessimismes plus ou moins partagés.

Cette journée du 29 septembre, ne crée pas une dynamique pour la suite, d’ailleurs les directions syndicales n’avaient strictement rien prévu ensuite. Mais la mobilisation, aussi faible ou insuffisante soit-elle, met de fait en avant l’actualité de la lutte sociale, la nécessité de défendre nos revendications, de faire entendre notre voix et nos intérêts de classe, celle des exploité·e·s, de celles et ceux qui trinquent dur depuis trop longtemps.

La situation sociale ne se résume pas au rendez-vous donné par les directions syndicales (seulement 3 confédérations : la CGT, Solidaires, la FSU et des organisations étudiantes). À côté, il y a de nombreuses grèves et initiatives de contestation, dans les entreprises, publiques ou privées, sur les salaires à augmenter, sur les recrutements nécessaires, sur les conditions de travail à améliorer. Toutes les semaines, des secteurs se mobilisent, le social, la santé, la petite enfance, l’éducation, les personnels des collectivités territoriales, les postiers·ères, dans le privé avec les PSA (Peugeot) et d’autres encore, les retraité·e·s, les étudiant·e·s…

Ces luttes n’ont pas la force de la mobilisation sociale actuelle au Royaume-Uni mais elles existent, elles expriment le ras le bol et le refus de subir encore plus. Mais c’est vrai, il manque toujours, comme un basculement vers une dynamique, une vague, une généralisation d’un mouvement social profond qui changerait le climat ambiant et le rapport de force.

Le vent souffle sur la flamme

Que ça finisse par péter c’est largement possible. Mais l’inverse aussi est possible. La crise est profonde et provoque une instabilité à tous les niveaux. Le pouvoir macroniste a été réélu mais il est aussi fragilisé et affaibli. Ce qui n’empêche qu’il tient le cap et reste en capacité d’imposer une politique toujours plus ultralibérale et violente illustré aujourd’hui par son annonce de réquisition du personnel gréviste au lieu des superprofits des entreprises pétrolières

Mais cette grève reconductible pour les salaires dans deux raffineries (Total et Exxon­Mobil) est peut-être un signal. Déjà les conséquences se font ressentir avec des pénuries dans les stations d’essence. Il y en aura d’autres, c’est certain.

La question est comment, avec les équipes militantes existantes, syndicales, associatives, politiques, avec les jeunes et moins jeunes révolté·e·s par ce capitalisme délirant et violent, nous pouvons reconstruire un mouvement social puissant. Et comment en parallèle, nous pouvons élaborer un programme radical, visant non seulement à la répartition plus juste des richesses mais aussi à la remise en cause du pouvoir patronal, à la remise en cause de la propriété et du capitalisme, seule façon en réalité de changer les décisions politiques et économiques.

Le culot de nos revendications dépendra de nos forces, de notre confiance en notre force collective. C’est à suivre et c’est maintenant.

Philippe Poutou  militant du NPA