Casser la spirale «prix-profits»
Cet automne a révélé un niveau de conflictualité sociale peu répandu en Suisse ces dernières années. La traditionnelle conférence de presse de l’USS réclamant des augmentations de salaires, sans proposer d’agenda de mobilisation et des mesures de lutte, a été suivie par quelques mouvements syndicaux. Cette situation remarquable est à souligner, surtout au pays de la «paix du travail».
Certes, une vague d’inflation galopante et inquiétante a joué un rôle déclencheur dans ces réactions. Mais l’implication de certains secteurs syndicaux dans l’organisation d’une défense active des conditions de travail et de salaire a permis de modifier le rapport de force contre des employeur·se·s toujours plus arrogant·e·s et sûr·e·s de leur pouvoir.
L’inflation est provoquée par des capitalistes, qui utilisent des conditions particulières (monopoles, guerres, épidémies) pour augmenter encore leurs marges de profit. Ces nouveaux prix ne sont pas fixés par des anges, mais par des compagnies peu scrupuleuses du bien commun. Seul l’intérêt des actionnaires est déterminant. Dans cette situation, beaucoup d’économistes parlent de la spirale «prix-salaire», désignant le renchérissement des salaires comme responsables de la croissance de l’inflation, alors que celle-ci est en réalité une spirale «prix-profits» dans une société de classes.
Il n’y donc aucune raison pour que les travailleurs·euses· souffrent de cette avidité de la classe capitaliste. La revendication d’une adaptation salariale complète, avec un effet rétroactif, est parfaitement légitime pour le monde du travail, n’en déplaise aux millionnaires et milliardaires suisses.
Pas pour s’enrichir et devenir millionnaire. Juste pour profiter de conditions d’existence décentes et parce que le travail mérite une juste rémunération. C’est pourquoi, plutôt que de parler de « pouvoir d’achat », nous préférons parler du maintien des salaires réels, alors que des dépenses obligatoires comme les primes d’assurance-maladie prennent l’ascenseur.
Le secteur des maçons s’est largement mobilisé autour de la reconduction de la CCT, mais aussi sur les questions de rattrapage salarial. Ce mouvement, qui avait une ampleur conséquente et qui a dépassé les frontières cantonales, a certainement joué un rôle de détonateur. En créant un climat de défense active au niveau des lieux de travail, ces premiers mouvements dans la construction ont interpellé d’autres salarié·e·s menacé·e·s par les effets de l’inflation sur leurs salaires. Si les maçons descendent dans la rue et se mettent en grève, pourquoi pas nous ?
Même si ces réactions ont été limitées, elles n’en sont pas moins révélatrices des possibilités de se défendre activement, et de ne pas compter sur les capacités de « négociation » à froid, proposées par certains dirigeant·e·s syndicaux. Des mouvements importants de grève se sont déroulés aussi dans d’autres pays européens (Grande-Bretagne, Belgique).
L’évolution des salaires ces dernières années est claire. Les rémunérations n’augmentent pas significativement, voire baissent même en termes réels. La situation pour beaucoup de retraité·e·s s’est aussi dégradée sur le plan financier. La pauvreté est une réalité en Suisse, et pas à une échelle marginale.
À la suite de ces luttes, sur les salaires, les heures et les conditions de travail, une coordination des militants et activistes les plus engagés est nécessaire, pour que la mémoire et le sens de l’organisation se maintiennent vivantes et nourrissent les combats de demain.
José Sanchez