Trash ou la condition prolétaire lesbienne

La traduction en français du recueil de nouvelles de Dorothy Allison mêle récits de vie autobiographiques, fiction et théorie politique féministe. 

Photo de Dorothy Allison
Dorothy Allison, au centre, avec Alix Layman et Wolf Michael, Guerneville, Californie, 1994

L’autrice, activiste lesbienne radicale dès les années 70, vient d’une famille prolétaire américaine de Caroline du Sud. Sa condition de lesbienne prolétaire accompagne le récit de son enfance jusque dans sa militance et ses relations intimes. Le titre du recueil retourne le stigmate white trash (terme péjoratif utilisé pour décrire les classes prolétaires blanches des USA) qui a pesé sur elle et sur sa famille. Elle l’allège du terme white qu’elle estime trop lié aux idéologies suprémacistes blanches.   

Trash gravite autour des thématiques de la misère sociale, de la famille et des relations amoureuses et sexuelles. On y découvre un environnement familial toxique, où elle et ses sœurs sont victimes des violences physiques et sexuelles d’un beau-père incestueux. Le malheur absorbe une par une les vies de cette famille étasunienne élargie. 

La violence, l’alcool et la drogue sont omniprésents, amènent les hommes en prison ou à la tombe, assassinent et handicapent les femmes. Ce lourd passé, Dorothy Allison s’en échappe en l’exorcisant par l’écrit. Ce recueil en offre ainsi un aperçu dans ses joies comme dans ses peines. 

Sa condition de prolétaire l’accompagne et nourrit ses réflexions le long des nouvelles. Enfant, elle suit sa mère dans le diner où cette dernière travaille puis la rejoint dès ses 16 ans pour économiser de quoi payer ses études, servant des clients pleins de mépris de classe. 

Arrivée à l’université, c’est la faim qui lui rappelle sa condition. Survivant sur sa modeste bourse d’étude qu’elle voit diminuer d’année en année, elle complète son maigre pécule en volant de la nourriture ou en travaillant à côté de ses études. Elle enchaine les jobs : «commise aux salades, coupeuse de cornichons, femme de ménage, serveuse, prof remplaçante, guichetière ou travailleuse à la chaîne»

Dans ses relations, elle dissimule son passé ne sachant comment l’expliquer à son nouvel entourage dans la peur du stigmate white trash qu’elle s’est vue affublée toute son enfance. Finalement, cette condition lui est rappelée par la maladie de sa mère et les coûts de santé que la famille doit supporter sans aides extérieures. 

Si la violence émerge comme un fil rouge des nouvelles, l’amour est également omniprésent. Amour décrit extensivement dans sa militance féministe, pour ses compagnes, mais également pour les femmes de sa famille, survivantes du même environnement, et particulièrement pour sa mère. 

Trash est un recueil particulièrement touchant et bien construit qui permet de se plonger successivement dans la condition prolétaire américaine des années 50-60, le militantisme féministe des années 70-80 et dans l’intimité de l’autrice et de ses multiples rencontres. 

Clément Bindschaedler