Pérou

La solidarité internationale est vitale pour le peuple en lutte

Le mouvement contre le coup d’État au Pérou ne faiblit pas. Lourdes Huanca est présidente de la Fédération nationale des femmes paysannes, artisanes, indigènes, natives et salariées du Pérou (FEMUCARINAP), qui compte 160 000 femmes affiliées. Nous l’avons rencontrée lors de sa tournée européenne de solidarité.

Lourdes Huanca et des militants de solidaritéS
Lourdes Huanca lors de sa visite au local de solidaritéS

Ladestitution et l’emprisonnement, le 7 décembre 2022, de Pedro Castillo – président du Pérou élu démocratiquement en juillet 2021 – et son remplacement par la vice-présidente Dina Boluarte ont suscité de fortes mobilisations. Celles-ci ont débuté à Puno, un territoire riche en lithium et en uranium et par conséquent cible des grandes entreprises extractivistes. 

Ce mouvement a une force et des caractéristiques inédites dans l’histoire sociale du Pérou de ces 30 dernières années, avec une forte présence des paysannes Quechua et Aymara dans les manifestations, mais aussi de la région amazonienne, des peuples du Nord de la côte et de la capitale. Cela donne une dimension nationale à cette révolte populaire, à laquelle se sont uni·e·s tout·e·s les exclu·e·s du miracle économique de ce pays : les travailleur·euse·s des secteurs formels et informels et les plus précarisé·e·s, ainsi que les petit·e·s commerçant·e·s, les jeunes et les étudiant·e·s. L’union de tous ces secteurs a amplifié les mobilisations et donné un caractère massif à la grève nationale.

Une lutte collective 

Ceux et celles qui participent aux marches et aux mobilisations vers Lima y sont envoyé·e·s par décision de leurs communautés. Ce ne sont pas des décisions individuelles et personnelles. Les communautés font des collectes et paient le transport. Elles fournissent des aliments et des vivres. Composante très importante des mobilisations, les femmes ont pris la tête de cette révolte. Tous ces secteurs sociaux et ces peuples reconnaissent Pedro Castillo comme un des leurs. Ils ont voté pour lui et lui ont donné la victoire.

Depuis son élection, l’ensemble de la droite a uni ses ressources, son argent et son influence dans les moyens de communication pour discréditer et maltraiter le nouveau président de la République. L’oligarchie dominante de Lima n’a jamais accepté l’élection de Pedro Castillo. Celui-ci fut insulté, critiqué et méprisé par une caste d’oligarques blancs, héritière du colonialisme le plus rance.

Depuis l’arrivée de Dina Boluarte au pouvoir, son gouvernement fantoche et illégitime compte déjà plus de victimes que de jours dans l’exercice du pouvoir. Sans compter les centaines de blessé·e·s, raison pour laquelle le parquet a ouvert une enquête pour l’accusation de génocide.

Durant cette tournée européenne, Lourdes Huanca est passée par la Suisse et par Genève, invitée par différents collectifs comme la Grève féministe et Break Free. Nous l’avons rencontrée brièvement au local de solidaritéS, avant de rejoindre le rassemblement de solidarité avec la lutte du peuple péruvien sur la Place des Nations. Durant son voyage en Europe, Lourdes Huanca a reçu diverses intimidations et menaces de mort.

La FEMUCARINAP, explique Lourdes Huanca, promeut deux affirmations essentielles pour les femmes : la défense et le respect de leur corps comme territoire propre, et leur identité socio-politique et culturelle en tant que paysanne et féministe. Ainsi que la souveraineté alimen­taire, la protection de la terre, de l’eau et des semences. 

Pour elle, il est clair que Castillo, au gouvernement, a ouvert un processus très important qui ne s’était produit auparavant avec aucun autre président : il était à l’écoute de celles et de ceux d’en bas. L’aspect le plus significatif : « Il nous a permis d’avancer de nom­breuses propositions et avec des succès concrets. Par exemple le soutien aux femmes paysannes dans le cadre de la seconde réforme agraire, mais aussi pour l’entrée gratuite à l’université des filles et des fils de la paysannerie pauvre, un sujet très important pour nous.  »

Quelles sont nos revendications ?

L’émotion et la rage que vit son peuple n’empêche pas cette dirigeante paysanne et féministe d’exprimer clairement les exigences de la lutte : « Nous exigeons la destitution de Dina Boluarte, assassine et corrompue ; la libération du président Castillo ; la fermeture du Congrès ; l’installation d’une Assemblée constituante ; la levée de l’état d’urgence et que l’on rende justice aux plus de 60 personnes assassinées durant ces dernières semaines. Et nous ne nous arrêterons pas avant d’avoir atteint ces objectifs ».

Avant de rejoindre le rassemblement à la Place des Nations, Lourdes Huanca nous dit qu’il ne faut pas cesser la solidarité. Pour celles et ceux qui luttent au Pérou, c’est très important de savoir qu’il y a une solidarité internationale avec elles et eux et qu’ils·elles ne sont pas seul·e·s. C’est important d’informer en permanence sur les événements, de se mobiliser, d’écrire des lettres aux autorités et de constituer des commissions internationales d’enquête qui voyagent rapidement au Pérou pour constater les violations constantes des droits humains.

Juan Tortosa

Traduction du castillan : Hans-Peter Renk