France

Le bras de fer ne fait que commencer !

Depuis le 19 janvier, une mobilisation exceptionnelle se déploie en France contre le projet des retraites du gouvernement Macron qui veut reporter l’âge légal du départ à la retraite à 64 ans et augmenter la durée de cotisations à 43 annuités dès 2027.

Deux manifestantes contre la réforme des retraites
Manifestation contre la réforme des retraites, Chambéry, 31 janvier 2023

Macron s’entête à vouloir faire passer sa réforme malgré l’impopularité de cette dernière. Mais cette fois-ci, les arguments fallacieux et dramatiques ne fonctionnent pas. Rien n’y fait, le gouvernement a beau venir dans tous les médias expliquer la nécessité de cette réforme, la majorité des salarié·e·s et toutes leurs organisations syndicales y restent opposées. Le front syndical est sans aucun doute un élément central de ces dernières semaines : toutes les organisations sont d’accord pour imposer un retrait pur et simple du projet gouvernemental, même si les stratégies sont divergentes.

Des manifestations historiques mais une auto-organisation embryonnaire

Face au projet gouvernemental, les journées de grèves et de manifestations des 19 et 31 janvier ont été historiques. La journée du 19 janvier était déjà comparable à celles de 1995 et 2010, et celle du 31 janvier a été encore plus forte en rassemblant plus de 2 millions de manifestant·e·s sur l’ensemble du territoire, notamment dans les plus petites villes où les manifestations ont rarement, voire jamais, rassemblé autant de monde. Même le ministère de l’Intérieur est obligé de le reconnaître, c’est dire ! 

Dans les cortèges, de nombreuses et nombreux salarié·e·s du privé, des jeunes, des fonctionnaires, des retraité·e·s. Pour beaucoup, c’étaient leurs premières manifestations voire leurs premières grèves. Le nombre de grévistes est variable selon les secteurs, mais entre le 19 janvier et 31 janvier, force est de constater qu’il était moins important, même si cela reste élevé, notamment dans l’Éducation Nationale, la SNCF, EDF ou TotalEnergies et dans de très nombreuses entreprises du privé. Les Assemblées générales sont quasi inexistantes et, quand elles existent, il n’y a pas grand monde, ce qui rend difficile les discussions stratégiques et les décisions collectives. 

Grande nouveauté également dans cette mobilisation : contrairement aux précédentes, il n’y a pas à cette étape de secteur « locomotive » entraînant les autres secteurs d’activités. Plus que jamais, le « tous ensemble » et le « en même temps » a son importance pour faire reculer le gouvernement.

Un front syndical uni mais des stratégies différentes

Cela faisait longtemps que l’ensemble des organisations syndicales ne s’était pas uni autour d’un même objectif : le retrait pur et simple du projet de réforme. Cette unité permet sans aucun doute à un plus grand nombre de salarié·e·s et en particulier celles et ceux du privé de se mobiliser, mais à cette étape, la stratégie pour faire reculer le gouvernement n’est pas la même pour tout le monde. En effet, le syndicat CFDT, même si il semble vouloir maintenir l’unité syndicale, ne veut pas se lancer dans des grèves reconductibles, en particulier dans les secteurs qui bloqueraient la vie économique. C’est ainsi qu’il a refusé dans le rail d’appeler avec les syndicats CGT et SUD à une grève de 48 heures les 7 et 8 février prochain.

Sa ligne veut gagner l’opinion publique (ce qui est d’ores et déjà le cas) et faire reculer le gouvernement via des manifestations massives et en convainquant les député·e·s de ne pas voter le texte. Outre ces divergences, le fait aussi que l’intersyndicale nationale se réunisse uniquement le soir des journées de mobilisations pour fixer les nouvelles dates au lieu de les anticiper est un frein à la construction du mouvement. Au vu du timing imposé par le gouvernement, l’enjeu de ces prochains jours sera de convaincre que la victoire est possible. Il faudra aussi convaincre de généraliser la grève, secteur par secteur, ville par ville, car le processus parlementaire sera clos à la fin du mois de mars.

Un gouvernement affaibli et illégitime 

Face à la colère massive et au rejet général de cette réforme, le gouvernement Macron est plus affaibli que jamais. Il cherche coûte que coûte à ne pas utiliser l’article 49-3 qui risque, il le sait, de le mettre encore plus en difficulté. C’est pour cela que le gouvernement vient de faire des « avancées » sur les carrières longues afin d’obtenir à l’Assemblée les votes des députés républicains. Mais cela ne sera pas suffisant pour calmer la colère qui dépasse largement la question des retraites. 

Ce qui se joue, c’est bien la question d’une autre répartition des richesses et des choix de société. L’enjeu de cette mobilisation est également de contester la place du Rassemblement National et de dénoncer sa duplicité.  Les jours qui viennent sont importants car tout le monde comprend qu’à l’issue de cette épreuve, le rapport de forces global sera amélioré en cas de victoire. Et cette victoire est à notre portée !

Joséphine Simplon