Iran

Soutien à la lutte féministe et aux oppositions progressistes!

Deux textes sur la révolte en Iran. L’un sur la composante féministe centrale du mouvement; l’autre sur les réseaux d’opposition à l’extérieur – dont certains sont très problématiques – et à l’intérieur du pays.

Une manifestante tient une pancarte avec des photos de victimes du régime iranien
Manifestation de la diaspora iranienne, Bruxelles, 20 février 2023

Un soulèvement féministe, intersectionnel et révolutionnaire

Jina (Mahsa) Amini, jeune femme kurde de 22 ans tuée par la police des mœurs pour « tenue indécente », cristallisait simultanément plusieurs oppressions – genre, ethnie et classe – dans son identité, ce qui fait que la récente révolte se distinguait ainsi des précédentes par cette intersection. Ses funérailles se sont transformées en une manifestation publique protestataire avec le slogan «Femme, vie, liberté», inspiré par la lutte des femmes kurdes au Rojava en Syrie. 

Il est ainsi le fruit de plus de quatre décennies de lutte inlassable des femmes kurdes contre toute forme d’autoritarisme, de capitalisme, de colonialisme, d’interventions impérialistes, de gouvernance nationaliste, d’extrémisme religieux et de violence sociopolitique, qui a maintenant été capable de traverser ses frontières locales. 

La magnifique performance des femmes kurdes le jour de ses funérailles au Kurdistan (le point de départ du récent soulèvement révolutionnaire) qui ont agité leurs foulards et transformé le symbole de l’oppression étatique en un drapeau de lutte féministe, criant des slogans radicaux, n’était pas un hasard. Elle est l’héritage d’une tradition de résistance et d’organisation au Kurdistan, ainsi que celui de la lutte des femmes, transmis de génération en génération malgré la répression brutale. Au cours des dernières semaines meurtrières et sanglantes, les forces militaires au Kurdistan ont effacé le slogan « Femme, vie, liberté » des murs des villes kurdes, en y écrivant « Femme, chasteté, honneur », « Homme, gloire, autorité », ce qui montre à quel point le régime est effrayé par le caractère féministe et intersectionel de ce soulèvement révolutionnaire. En effet, les femmes sont considérées comme une menace potentielle pour le fondement islamique du régime car le hijab obligatoire féminin fait partie de l’identité-même de la République islamique.

Les mobilisations pré-insurrectionnelles contre la violence faite aux femmes au Kurdistan et contre le voile obligatoire dans les grandes villes du pays ont permis de politiser les questions sociales, de sensibiliser l’opinion publique à la question du genre et de la relier à un espace plus large de contre-pouvoir au régime. 

Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de l’Iran, se produit un soulèvement populaire à caractère féministe qui au-delà de la lutte pour la liberté de choix des femmes concernant leur corps, se bat également pour renverser la dictature islamique nationaliste militaire néolibérale. D’une part, au niveau mondial, la participation active des femmes dans le récent soulèvement en Iran a remis en question les images orientalistes et coloniales des femmes vivant dans les pays islamiques en tant que victimes naturelles et leur a une fois de plus rendu l’agentivité. D’autre part, au niveau national, les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, surtout kurdes et baloutches, déconstruisent les hiérarchies ethniques qui les assignent à des peuples non civilisés, arriérés et incapables de proposer une politique émancipatrice de manière autonome. 

Somayeh Rostampour

Soutien aux organisations indépendantes et réseaux militants de l’intérieur !

Alors que le soulèvement entre dans son 6e mois, l’Iran plonge chaque jour davantage dans une crise économique et sociale profonde. Si les grèves en soutien au soulèvement restent pour l’instant limitées, celles pour réclamer le versement des arriérés de salaires (parfois jusqu’à 4 mois), de meilleurs conditions de travail ou des augmentations de salaires sont quotidiennes. 

Simultanément, la répression se poursuit. Ainsi, le régime vient d’annoncer l’exécution d’un militant kurde de 29 ans accusé d’avoir assassiné un policier en 2018. De lourdes de peines contre les manifestant·e·s et contestataires continuent d’être prononcées. Face à cela le mouvement prend des formes moins spectaculaires mais permanentes : manifestations de masse tous les vendredis dans le Sistan-Baloutchistan, slogans nocturnes dans les quartiers populaires des grandes villes, actions de rues au Kurdistan, l’agitation ne cesse pas.

La contre-révolution s’organise depuis l’extérieur du pays

La droite iranienne en exil, dont les monarchistes, tente de dévoyer le mouvement, avec l’aide des chancelleries occidentales. L’Université de Georgetown (USA) a organisé récemment un colloque avec l’ensemble des leaders de l’opposition bourgeoise autoritaire et réactionnaire incluant Reza Pahlavi, le fils du dernier Chah. En février, ce dernier a été également invité à prendre la parole lors de la conférence de Munich sur la sécurité. En marge de celle-ci, Macron a mis en scène sa rencontre avec Masih Alinejad, pro-monarchiste et amie de Trump. Reza Pahlavi a également été invité à s’exprimer au Sénat français. À aucun moment Reza Pahlavi n’a condamné les crimes de la monarchie iranienne. Par contre il n’hésite pas à dire régulièrement « qu’il faudra s’appuyer sur des membres de Gardiens de la révolution et des bassidijis pour assurer la sécurité durant la future période transition ». Ceux-là même qui depuis 44 ans torturent, violent et tuent les manifestant·e·s et les prisonniers·ères politiques.

Soutien aux organisations indépendantes et réseaux militants de l’intérieur !

Une vingtaine d’organisations syndicales et civiles indépendantes luttant, en première ligne sur le terrain ont, le 15 février, publié une déclaration importante. Elles ont été rejointes par de nombreuses associations étudiantes, universitaires et par des réseaux militants du pays. 

Ce texte lie les revendications démocratiques (abolition de la peine de mort et de la torture, liberté d’organisation…), féministes, LGBTQI+, écologistes, sociales, ainsi que de défense des minorités nationales et religieuses. 

La déclaration réclame la saisie des biens accaparés les dignitaires du régime et dénonce les spoliations subies par les IranienEs sous le régime monarchique puis celui des Mollahs. Ce manifeste exige notamment l’instauration d’une démocratie radicale, par en bas. Il constitue un appel à lutter pour un projet radical de transformation sociale.

Ces revendications sont bien sûr incompatibles avec le régime actuel, mais elles le sont aussi avec le projet réactionnaire, libéral, patriarcal, grand perse et autoritaire porté par Reza Pahlavi et consort. D’ailleurs, les réseaux monarchistes ont attaqué violemment ce manifeste.

Il est du devoir des militant·e·s anticapitalistes et révolutionnaires de soutenir l’expression radicale et la lutte contre la République Islamique, ainsi que de dénoncer les menées impérialistes des grandes puissances et des forces réactionnaires iraniennes. L’issue du soulèvement en cours est déterminant pour l’ensemble des peuples qui luttent contre les fondamentalismes religieux, les Etats autoritaires et dictatoriaux, ainsi que contre les puissances impérialistes.

Babak Kia