Iran

«Femme, Vie, liberté»

Depuis plus d’un mois, des manifestations populaires massives secouent l’Iran à la suite de l’assassinat de la jeune Kurde iranienne Jina Mahsa Amini après son arrestation par la police des mœurs pour « port inapproprié de vêtements ». Il s’agit de la contestation populaire la plus importante depuis les manifestations débutées initialement contre la hausse du prix de l’essence en 2019.

Femmes brulants des tissus
Rassemblement en solidarité avec les manifestant·e·s en Iran, Lausanne, 29 septembre 2022.

Les protestations actuelles s’étendent à tout le pays, d’Ispahan à Rasht, au bord de la mer Caspienne, en passant par le Kurdistan iranien dans l’ouest, d’où était originaire Jina Mahsa Amini. Plus de 80 villes auraient été témoins de soulèvements, et il y a des villes qui connaissent des manifestations tous les soirs, des scènes d’affrontements avec la police anti-émeute. À côté des manifestations de rue, des écolières ont agité leurs foulards et défié des représentants de la République islamique d’Iran, et des salarié·e·s se sont mis·e·s en grève. Plus de 200 personnes ont été tuées depuis le 16 septembre, et plus d’un millier de personnes ont été arrêtées.

Grèves et lutte contre la répression

Le climat a atteint des niveaux insurrectionnels dans de nombreuses villes, obligeant les forces de répression à se retirer devant la détermination des manifestant·e·s. Plusieurs villes au sein des régions kurdes de l’Iran ont été marquées par des journées de grève générale. 

En même temps, dans beaucoup de villes et en particulier à Téhéran, Chiraz et Ispahan, les cours au sein des universités et des établissement scolaires de niveau secondaire ont été boycottés par les étudiant·e·s afin de participer aux manifestations. L’appel de l’association des enseignant·e·s à la grève a également été suivi dans des grandes agglomérations du pays.

Des syndicats, non reconnus par les autorités étatiques, ont également exigé la libération de leurs membres et syndicalistes sévèrement touché·e·s par la répression. Le syndicat VAHED des conducteurs de bus de Téhéran et de sa banlieue a exigé par exemple la libération de nombreux de leurs dirigeants, qui sont emprisonnés pour certains depuis le mois de mai, et a menacé à des appels à la grève. Le Conseil d’organisation des travailleurs de l’industrie du pétrole a de son côté publié un communiqué de presse dans lequel il demande « l’arrêt de la répression » et menace également d’appeler à la grève.

Femmes à la tête du soulèvement

Les femmes sont au premier plan de ces manifestations et à la lutte avec les forces de sécurité. En même temps, d’autres formes de protestation se sont développées contre les autorités, comme des femmes enlevant et jetant leurs foulards dans un feu ou en se coupant symboliquement les cheveux. Depuis l’arrivée du président Ebrahim Raïssi au pouvoir en août 2021, les autorités ont pris un tournant encore plus rigoriste, imposant de nouvelles mesures pour contrôler la population et en particulier les femmes.

Les femmes ont été les moteurs de nombreux mouvements sociaux ces dernières années et en ont pris la direction. Cela a été le cas lors du soulèvement populaire appelé « révolution verte » en 2009, en réaction à des accusations de fraude lors du scrutin présidentiel. Par la suite, les femmes se sont associées à d’autres mouvements, ouvriers, en particulier dans le sud. Elles ont porté des revendications socio-économiques, en lien avec la pénurie d’eau ou encore la crise environnementale.

Dans ce cadre il est important de rappeler notre soutien aux luttes contre toutes les formes de contrôle du corps des femmes – que ce soit par exemple en Iran contre l’obligation du port du voile ou contre l’interdiction du port du voile en France. Toutes ces politiques de contrôle du corps des femmes sont réactionnaires, autoritaires, sexistes et doivent être dénoncées.

Les manifestations déclenchées par la mort de Jina Mahsa Amini reflètent une colère bien plus profonde des classes populaires à l’égard des différentes formes d’oppression qui affectent de manière disproportionnée les femmes, les minorités ethniques et religieuses ainsi que d’autres groupes marginalisés en Iran comme la communauté LGBTQIA+. La situation socio-économique ne cesse d’empirer depuis des années et cela a mené à de nombreuses révoltes populaires pour dénoncer des conditions de vie de plus en plus difficiles. Tout cela sur fond d’autoritarisme du régime et de repression violente des autorités contre tout·e opposant·e et les mouvement sociaux.

En plus du Kurdistan iranien, les manifestations populaires massives dans la province du Sistan-Balouchistan (sud-est), frontalière du Pakistan et de l’Afghanistan, à majorité sunnite, sont révélatrices de ce climat d’oppression et d’exploitation. De son côté la République islamique d’Iran présente ces révoltes comme des complots émanant d’agents de l’étranger.

Affirmons notre solidarité avec les manifestations populaires, les multiples actes de résistance et les grèves pour protester contre l’autoritarisme du régime islamique iranien.

Nos destins sont liés.

 Joseph Daher