Italie

Quelles leçons tirer des élections?

Les élections politiques générales italiennes du 25 septembre ont dévoilé deux dynamiques majeures, tout en démontrant une nouvelle fois la faiblesse d’une gauche combative. 

Manifestante tenant dans sa main une torche rouge
Manifestation contre la guerre et la hausse des dépenses militaires, Bologne, 18 septembre 2022

En premier lieu, le succès est incontestable pour la coalition de centre-droit formée par la Ligue du Nord, Forza Italia et Fratelli d’Italia (43,8 %). La victoire de Fratelli d’Italia, formation politique héritée de l’histoire du fascisme, qui a obtenu 26 %, est écrasante. Sa cheffe Giorgia Meloni a milité dans le passé au Fronte della Gioventù (organisation de jeunesse du Movimiento Sociale Italiano), un parti néo-fasciste fondé en 1946 par des partisan·e·s du dictateur Benito Mussolini.

D’autre part, la croissance, une fois de plus, de l’abstentionnisme : seulement 63,8 % de l’électorat a voté – signifiant qu’environ 16 millions d’électeurices ont choisi de ne pas se rendre aux urnes, et plus de 1,2 million de personnes ont annulé leur bulletin de vote ou l’ont laissé vide. Deux explications majeures à ce chiffre : l’insatisfaction croissante à l’égard de la « politique » dans son ensemble et l’origine sociale de l’abstention. Tout d’abord, les secteurs les plus populaires de la société ne se rendent pas aux urnes, soit par volonté de boycott, soit par exclusion politique résultant d’une exclusion sociale plus profonde. Selon un institut de recherche, 45 % des ouvriers·ères et 46 % des personnes qui se considèrent en difficulté économique se sont abstenu·e·s. Et, fait intéressant, 41 % des femmes.

D’après ces résultats, le centre-droit – grâce notamment à une loi électorale majoritaire qui récompense excessivement les coalitions politiques – disposera d’une nette majorité de sièges (environ 60 %) dans les deux chambres du Parlement.

Le Parti Démocrate, stratégies politiques vouées à l’échec

C’est aussi la conséquence des choix du principal parti de centre-gauche le Parti Démocrate (PD), qui n’a pas voulu d’une large alliance incluant le Mouvement 5 étoiles, espérant une débâcle de ce dernier qui, au contraire, ne s’est pas produite. Cette débâcle ne peut cependant être limitée à une question tactique électorale. 

Le problème principal du PD réside dans son absence d’identité politique véritable, et d’un programme social-démocrate, même approximatif. Au cours des 15 dernières années, ce parti a toujours soutenu les politiques néolibérales des gouvernements dits de « techniciens », comme celui de Mario Monti en 2011 et enfin celui de Mario Draghi (ancien président de la Banque centrale européenne) en 2020. Il ne s’agit pas d’accidents de parcours, mais de choix liés à la nature de ce parti, qui appartient à la famille libérale-démocratique.

La gauche divisée

Enfin, la « gauche » dans sa compréhension large, est arrivée aux élections divisée en différentes listes : Sinistra Italiana et les Verts se sont présenté·e·s en alliance avec le PD et ont obtenu 3,6 %, leur permettant d’obtenir une vingtaine de sièges entre la Chambre et le Sénat ; la liste indépendante de l’Unione Popolare, une alliance entre Rifondazione Comunista et Potere al Popolo, ne dépasse pas 1,4 % et n’atteit pas le quorum qui leur aurait permis d’avoir des député·e·s; enfin un petit secteur autoproclamé « communiste » s’est présenté, avec divers groupes NoVax et/ou rouge-brun essayant de se présenter comme « anti-système », mais qui heureusement n’a pas réalisé des résultats significatifs et n’a donc obtenu aucun·e élu·e.

Le Mouvement 5 étoiles a maintenu un certain poids électoral, environ 15 %, y compris au sein de la gauche grâce notamment à l’approbation du revenu de citoyenneté et à son image de parti « pacifiste » et populaire, malgré la perte de plus de 4 millions de voix par rapport à 2018.

La gauche doit se réinventer

Ces résultats ne sont évidemment pas une surprise. L’échec électoral des partis de gauche n’est pas uniquement dû à leur division, mais plutôt à leur difficulté à s’enraciner socialement au sein de la société. Cette situation est le résultat non seulement de leurs limites politiques et de leadership, mais aussi de la croissance de la précarité économique et sociale, de la paupérisation et de l’éloignement croissant de ces secteurs de la population à la politique.

La gauche a besoin d’une réflexion profonde sur son incapacité à interpréter les besoins populaires, et non pas à être la représentante de ces besoins, mais le levier qui soutient l’auto-organisation et la participation par en bas. Une réflexion qui doit remettre au centre l’expérience d’un retour sur les lieux de la marginalité sociale, de la précarité et de l’exploitation du travail, parmi les (jeunes) porteurs·euses d’une nouvelle idée de société plus juste sur le plan environnemental et social. Au-delà des raccourcis organisationnels et des propositions de « fédérations » entre des organisations, il est nécessaire comprendre la nécessité de les dépasser et une pratique politique différente, construite sur le mutualisme, l’action directe, la croissance d’une politique par en bas capable d’imposer un agenda alternatif.

Piero Maestri  militant anticapitaliste