Pourquoi il faut refuser l’initiative des Vert’libéraux sur le congé parental

En soutenant ce projet soumis au vote le 18 juin, la droite se targue de «promouvoir le progrès social», là où, selon elle, la gauche et les mouvements sociaux y feraient obstacle. Une vaste supercherie qu’il faut dénoncer.

Un père en costume cravate profite du congé parental avec ses 4 enfants dans un parc.
Midjourney fecit

L’initiative cantonale (IN) 184 « Pour un congé parental maintenant ! » prétend instaurer un congé dit parental. Or ce projet présente des défauts rédhibitoires et risque de mettre en péril la loi genevoise sur les allocations maternité et adoption (LAMat), qui fut en 2001 précurseur en instituant un congé maternité de 16 semaines.

Apprenti·e·s sorcier·ère·s ou fossoyeur·euse·s des acquis sociaux

Sous son titre fallacieux et se vantant d’une durée de 24 semaines, l’initiative ne propose en réalité d’ajouter au dispositif déjà en vigueur à Genève que 6 semaines en faveur du parent au bénéfice du congé paternité (en plus des 2 semaines actuelles). Et cela sans que l’accès à ce droit ne soit garanti. 

Elle prévoit ainsi la modification suivante de la Constitution genevoise : « [L’État] garantit, en complément de la législation fédérale, une assurance financée à part égale par les employeurs et employés de 16 semaines au moins en cas de maternité et de 8 semaines au moins pour l’autre parent. Sur demande commune des deux bénéficiaires de l’assurance, l’État garantit la possibilité pour l’un des bénéficiaires de reporter deux semaines de l’assurance en faveur de l’autre bénéficiaire. » Par ce libellé, l’initiative gomme de la Constitution la référence à la LAMat et la remplace par la mention floue d’une autre assurance, ce qui met les fondements de la LAMat en péril. 

À plus forte raison, que le seul (néanmoins aléatoire) avantage pour les mères serait de bénéficier de deux semaines du congé de l’autre parent, sachant toutefois que s’ouvre parallèlement la possibilité qu’elles-mêmes renoncent à deux semaines de leur propre droit au congé maternité. L’acquis genevois de 16 semaines serait ainsi balayé pour se contenter du congé fédéral de 14 semaines. Un sacrifice auquel satisferaient volontiers nombre de femmes selon les initiant·e·s, tant elles auraient hâte de retourner au travail. Une déclaration qui ne surprend guère lorsque l’on constate que l’argument majeur avancé par les soutiens à cette initiative est la promotion de la flexibilité et un moyen de sélection entre les travailleur·euse·s.

Des failles rédhibitoires

L’initiative n’évoque que les salarié·e·s, excluant de fait les indépendant·e·s, aujourd’hui couvert·e·s par la LAMat. Pire encore : cette initiative instaure une obligation de cotiser pour l’ensemble des salarié·e·s mais n’oblige aucunement les employeur.euse·s à accorder ledit congé parental ! 

En l’état de la législation, on ne peut contraindre les employeur·euse·s à octroyer un congé parental. Confronté·e·s à cette rebutante faille, les initiant·e·s – qui avouent que leur intention était moins d’instaurer un congé parental que d’en garantir le financement – estiment qu’il faut faire confiance aux employeur·euse·s et que, progressivement, ces dernier·ère·s finiront par généraliser l’octroi du congé parental. 

L’argument du « bon vouloir » des employeur·euse·s n’est pas nouveau. Nous avons à de multiples reprises pu en apprécier la vacuité. La loi sur l’égalité en est une cinglante démonstration. Une loi qui, depuis 28 ans, est en incapacité de sanctionner les violations du principe de l’égalité salariale. Sa dernière laborieuse modification, il y a trois ans, ne prévoyant rien d’autre que l’obligation pour les entreprises de faire une étude en leur sein pour vérifier si l’égalité est respectée. 

Des instabilités juridiques

Au chapitre des lacunes de l’IN 184, on ne peut passer sous silence ce que les autorités genevoises, qui ont étonnamment pris le parti de la soutenir, ont qualifié pudiquement «d’instabilités juridiques». Un euphémisme pour qualifier l’absence de compétences cantonales pour instaurer un congé parental. Ainsi, le Canton tente de justifier ses compétences en la matière en empruntant le chemin détourné d’un but d’égalité de genres et de bien-être des enfants plutôt que d’assumer un objectif explicite d’instauration d’un congé parental. 

Néanmoins, rien ne garantit que le Canton puisse mettre en place ce congé. Le risque demeure que l’Assemblée fédérale lui refuse la garantie fédérale. De plus, et fort heureusement, il est probable qu’il ne soit pas possible d’obliger au prélèvement d’une cotisation sans garantir la prestation correspondante en retour. C’est pourquoi, au regard de ses failles juridiques, de son imposture et des risques qu’elle introduit concernant la LAMat, il faut refuser l’initiative mensongère des Vert’libéraux. 

Il nous reste en revanche à entreprendre sans tarder le chantier de la construction d’un véritable et substantiel congé parental. Un congé qui vienne vraiment favoriser une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Un congé qui contribue effectivement à une répartition des rôles et des tâches plus égalitaire.

Jocelyne Haller