États-Unis

Vers une grève historique

Le syndicat UAW (United Auto Workers) a lancé une grève historique le matin du 15 septembre qui regroupe les travailleurs·euses de trois usines de trois grands constructeurs automobiles des Etats-Unis. Le dirigeant de l’UAW, Shawn Fain, a déclaré qu’une «grève totale est possible».

Le dirigeant de l’UAW Shawn Fain interrogé par les médias lors du lancement de la grève aux Etats-Unis
Le dirigeant du syndicat UAW lors du lancement de la grève, Wayne, Michigan, 15 septembre 2023
UAW

Ce sont près de 13 000 travailleur·euse·s qui se sont mis·e·s en grève dans trois usines d’assemblage des groupes General Motors, Ford et Stellantis (issu de la fusion entre Peugeot-Citroën et Fiat-Chrysler), dans le Missouri, l’Ohio et le Michigan respectivement. L’UAW, qui compte près de 146 000 membres au sein de l’industrie, dénomme sa stratégie la « grève debout », rappel de la « grève assise » de Flint de 1936–1937 qui a contribué à la création du syndicat. 

C’est la première fois que les trois marques sont visées en même temps. L’objectif est d’étendre le mouvement si les négociations piétinent. Vendredi 22 septembre, le mouvement s’est étendu à 38 centres de distribution de pièces à travers le pays.

Le syndicat demande une augmentation des salaires de 40 % – le même pourcentage que les dirigeant·e·s se sont octroyé·e·s – et la suppression de la classe d’engagement inférieure en vigueur depuis 2007. Les ouvrier·ère·s embauché·e·s après cette date ont par exemple des droits limités à la retraite et une progression salariale inférieure. Il existe également d’autres classes de sous-travailleur·euse·s, notamment celleux travaillant dans les centres de distribution des pièces détachées et bon nombre de celleux qui fabriquent des composants pour les véhicules électriques (voir encart). Les autres revendications sont une réduction du temps de travail à 32 heures (payées 40 heures), le retour à une indexation des salaires à l’inflation et la mise à niveau des conditions de travail pour les travailleur·euse·s temporaires à celles des employé·e·s permanent·e·s après 90 jours de service. 

Le syndicat réclame une garantie d’emploi, mais aussi le droit de faire grève en cas d’annonce de fermeture d’une usine. Enfin, il est exigé un programme de protection des familles pour les travailleur·euse·s licencié·e·s. Ils et elles pourraient être ainsi rémunéré·e·s pour du travail de care au sein des services communautaires.

Une plus grande conscience de classe ?

Après des décennies d’austérité néolibérale qui ont décimé les syndicats du monde entier, les demandes de l’UAW et des travailleur·euse·s sont bien plus radicales que lors des négociations précédentes. Cela montre à quel point ces dernier·ère·s et leurs organisations se sont enhardis dans le sillage de la pandémie de 2020, et à quel point la conscience de classe générale du monde ouvrier a évolué au cours des dernières années.

En 2019 encore, 46 000 travailleur·euse·s ont fait grève chez GM durant quarante jours. Si le bénéfice de l’entreprise avait été réduit de 3,6 milliards de dollars, les travailleur·euse·s estimaient y avoir peu gagné. Le manque de pugnacité des dirigeant·e·s du syndicat de l’époque les avaient mené à conclure un accord à moindre coût.

Cette fois-ci, après avoir été élu·e·s aux postes de direction du syndicat sur la promesse d’une plus grande combativité, Shawn Fain et plusieurs de ses camarades engage le combat avec les dirigeant·e·s de l’industrie sur des bases nouvelles. Pour l’instant, il semble que l’heure est à la déstabilisation des constructeurs automobiles grâce à une approche agressive et très médiatisée. 

Fain a déclaré à plus de 30 000 téléspectateur·ice·s sur Facebook Live que «c’est une bataille de la classe ouvrière contre les riches ; les nanti·e·s contre les démuni·e·s ; la classe des milliardaires contre tou·te·s les autres.»

Antoine Völki     Niels Wehrspann    

Dirty tricks dans l’électrique

L’adaptation des géants automobiles à la production de véhicules électriques a bouleversé l’organisation du travail. Les différentes parties des véhicules, notamment les batteries, sont fabriquées par de multiples usines, parfois sous l’égide de partenariats entre les fabricants historiques et des conglomérats coréens (LG, Samsung). 

Dans ces usines, les contrats d’engagement des travailleur·euse·s sont bien plus précaires que dans les usines d’assemblage final, même si celles-ci ont également subi une forte dégradation, poussant les employé·e·s à la grève. C’est également pour cela que l’unification des contrats d’engagement est centrale dans les revendications d’UAW.

Sans discuter de l’utilité des véhicules électriques dans la «transition énergétique», il est choquant que les conditions de travail dans ces nouveaux secteurs soient moins bonnes, alors que le gouvernement étasunien injecte des milliards pour «verdir» et relocaliser la production. 

La pression à la baisse dans cette industrie vient en fait du principal producteur de véhicules électriques: Tesla. Car il n’y a pas de syndicat dans l’entreprise de l’homme le plus riche au monde…

Une centaine d’organisations écologistes étasuniennes ont lancé un appel de soutien à la grève, pour que celle-ci avance vers ce que Shawn Fain a appelé une «transition juste»