Quelle stratégie pour renforcer les luttes?
Après les élections fédérales, il s’agirait de faire un sérieux bilan politique. Au- delà des satisfactions ou des déconvenues locales, allons-nous continuer à nous orienter principalement en fonction de l’agenda institutionnel (élections, votations), comme cela a été le cas jusqu’ici ?
Le résultat des vagues «vertes et violettes» sur le plan électoral en 2019 avait été présenté comme une opportunité de changement. Depuis, la recherche de compromis dans des commissions a clairement montré ses limites. L’acceptation de la réforme AVS 21 est une régression dans l’optique réformiste. Un bilan lucide et critique est nécessaire pour définir des orientations, continuer notre engagement militant et chercher des réponses satisfaisantes.
Quel avenir et quels engagements dans des mouvements de masse ?
Ces dernières années ont été marquées par l’émergence de deux mouvements de masse, avec de grandes différences régionales. Le mouvement féministe et le mouvement pour le climat.
Ces mouvements ont combiné des capacités de mobilisation bien différentes des habituelles campagnes institutionnelles, et avancé des revendications en opposition avec la paix sociale et la politique de compromis entretenues par les organisations traditionnelles du mouvement ouvrier (USS, PSS). Certains de ces objectifs sont de nature transitoire, leur réalisation nécessite une rupture claire avec le système capitaliste établi.
L’avenir de ces mouvements est en discussion. Comment les renforcer, les élargir, maintenir des capacités militantes, améliorer leur coordination et leur organisation permanente? Pas pour les contrôler mais pour leur permettre d’augmenter leur capacité d’action et de mobilisation. Tels devraient être les sujets principaux pour notre mouvement.
Il ne suffit pas de scander «convergence des luttes». Comment les militant·e·s s’engagent, discutent, se coordonnent pour avancer des propositions, et cela à une échelle nationale. Il serait illusoire de rester limité aux frontières cantonales, voire communales, alors que beaucoup de ces sujets nécessitent des réponses à l’échelle du pays, voire internationales.
Quel horizon anticapitaliste ?
Un réflexe dangereux serait de considérer uniquement les rapports de force institutionnels et les résultats électoraux. La stabilité sociale et la domination de la bourgeoisie ne dépendent pas fondamentalement des élections fédérales.
La collaboration de classe n’est pas seulement présente au sein du Conseil fédéral, mais est largement pratiquée à tous les échelons de la société. La paix du travail détermine encore largement les rapports entre les organisations syndicales et patronales, et empêche pratiquement toute conflictualité de s’exprimer dans l’organisation de la vente de la force de travail, sauf dans quelques rares exceptions.
Pour commencer à changer cette situation, l’improvisation ne suffit pas. Les engagements militants doivent être organisés et pensés avec un sens de la stratégie, avec des choix politiques et organisationnels, permettant de comprendre les forces, et aussi les faiblesses et les contradictions de cette société, sur lesquelles nous devons intervenir.
L’exemple de la réduction du temps de travail
Ainsi il ne suffit pas seulement d’avancer des slogans au sujet de la réduction du temps de travail de manière plus ou moins régulière.
Pour rendre crédible cette revendication, une forte organisation de type syndical est une condition indispensable, un préalable pour commencer à se battre sérieusement pour ce thème. Cette organisation n’est pas réductible à l’appartenance formelle à une fédération syndicale, ni à quelques discours lors des journées du 1er Mai, ni à quelques résolutions sans lendemain votées dans les Congrès des fédérations.
Pour dépasser cette situation, il faut discuter de la construction de sections syndicales ayant un fonctionnement démocratique et faisant participer un maximum ses membres par de nombreuses activités (séances d’information, canaux de discussion, revendications locales sur les conditions de travail et de rémunération) et si possible présentes dans les entreprises.
La création d’un réseau de militant·e·s syndicaux·ales actif·ve·s à l’échelle nationale pourrait être un autre outil, avec des assemblées régulières, un bulletin de discussions, pour préparer des interventions ou faire des propositions de manière coordonnée dans les assemblées et congrès syndicaux ordinaires, et partager des expériences.
Une telle orientation permettrait aussi de regrouper des militant·e·s d’horizons divers, organisé·e·s politiquement ou non. Bien entendu, des conflits sont à prévoir avec la bureaucratie syndicale dominante, qu’il s’agirait d’affronter avec intelligence et détermination.
Agiter le spectre et le poids de l’UDC ou de l’extrême-droite est un leurre confortable. Cela n’est pas une orientation politique satisfaisante, et ne contribue aucunement à construire une force d’opposition anti-libérale et anticapitaliste.
José Sanchez