Autoroutes: une bataille décisive
Le Parlement fédéral a voté en septembre un paquet de près de 14 milliards de francs pour les autoroutes, dont 5,3 pour de nouvelles extensions. En pleine crise climatique et alors que les tarifs des transports publics prennent l’ascenseur, il faut stopper cette fuite en avant absurde. Un référendum a été lancé par actif-trafiC et l’ATE, avec le soutien de solidaritéS.
Avec 5,3 milliards de francs, on pourrait construire 200 km de pistes cyclables, deux RER comme le CEVA et quatre lignes de tram. Mais le Parlement fédéral préfère gaspiller cet argent en pure perte dans des autoroutes. Pire: les cinq projets de tunnels ou de voies autoroutières supplémentaires proches des grandes villes (Genève-Nyon, Berne, St-Gall, Schaffhouse et Bâle) qui constituent ce paquet ne sont qu’une étape dans la fuite en avant autoroutière. En tout, près de 35 milliards sont planifiés jusqu’en 2045. Insensé.
Augmenter le trafic?
Toutes les expériences le montrent : chaque extension de la capacité routière – en particulier dans des zones urbaines – provoque du «trafic induit». Car les automobilistes sont des êtres dynamiques qui s’adaptent à l’offre routière à disposition. Après quelques mois ou années, le nouvel ouvrage est donc à nouveau bouché… poussant à l’élargir encore. Ce mythe de Sisyphe moderne, que les États-Unis ont poussé jusqu’au bout avec des autoroutes hyper-larges sans jamais résoudre les embouteillages, démontre bien l’impasse qui consiste à se déplacer chacun seul dans un véhicule prévu pour cinq personnes… et la nécessité de radicalement prioriser les modes de transports plus efficaces.
Aggraver les émissions?
L’augmentation de trafic qu’entraîneraient ces nouvelles autoroutes est parfaitement contraire à tous nos objectifs climatiques. En effet, pour respecter les engagements minimaux de l’Accord de Paris, tous les scénarios prévoient que l’électrification du parc automobile, bien que nécessaire, ne permettra au mieux que d’atteindre la moitié de la réduction (et dans un temps trop long pour atteindre les objectifs climatiques), l’autre moitié devant être faite par une réduction massive du nombre de voitures sur nos routes et du nombre de kilomètres parcourus.
Aucun·e expert·e ne prévoit qu’une stabilisation du trafic automobile aux niveaux actuels puisse être compatible avec l’objectif de neutralité carbone… encore moins avec une augmentation de celui-ci!
Détruire la biodiversité?
Le projet d’élargissement à six voies de l’A1 Genève-Nyon, avec sa réfection des jonctions du Vengeron et de Coppet et d’un échangeur à Nyon, entraînera la destruction d’environ 20 000 m2 de terres agricoles et 100 000 m2 de forêt. De nouvelles atteintes à la biodiversité et notre souveraineté alimentaire. Idem avec le double projet autoroutier dans la région bernoise qui consiste à élargir l’autoroute respectivement de quatre à six voies et de six à huit voies: là aussi ce sont des hectares entiers de terres cultivées qui seront noyées sous l’asphalte. Un désastre.
Transports publics toujours plus chers?
Ce gaspillage d’argent public pour des autoroutes est d’autant plus inacceptable que les prix des transports publics n’ont cessé d’augmenter ces dernières années… et bien plus vite que ceux de la voiture ! Ainsi, depuis 1990, les tarifs des billets et abonnements ont pratiquement doublé, pendant que les coûts liés à la voiture n’augmentaient que de 30%, soit un peu moins que l’inflation. Et la hausse va encore empirer en 2024.
Les causes de ce déséquilibre sont connues : les coupes de la Confédération dans les subventions aux transports publics et une comptabilité générale qui ne tient pas compte des coûts réels du trafic motorisé. Les atteintes à l’environnement et à la santé par le trafic motorisé coûtent plus de 10 milliards par an mais ne sont jamais prises en compte. Ces coûts sont donc supportés par tou·te·s, ce qui rend la voiture artificiellement plus attractive que le train, alors qu’elle nous coûte collectivement bien plus cher.
Brisons les vieux engrenages!
Pour sortir de l’impasse climatique et sociale du modèle actuel, il faut impérativement casser les mécanismes de financement hérités du passé. Ainsi, le fonds FORTA, alimenté par les taxes sur l’essence, qui fait pleuvoir tous ces milliards pour les routes, doit être radicalement transformé pour que ses fonds soient résolument redirigés vers les transports publics – développement du réseau et baisse des tarifs – vers la mobilité active et vers un aménagement du territoire compact qui favorise la proximité. Sauf à vouloir continuer à foncer dans le mur des limites planétaires à 120 km/h, un arrêt de toute extension du réseau (auto)routier en Suisse est indispensable et urgent. Signez le référendum encarté dans ce numéro !
Thibault Schneeberger