Mêmes droits pour tous ceux et toutes celles qui vivent et travaillent en Suisse !

L’accès aux droits politiques pour toutes et tous est une exigence démocratique minimale. Pour que la citoyenneté soit effective pour toutes et tous, elle doit s’accompagner de véritables droits sociaux.   

Manifestation antifasciste, Genève, 12 novembre 2022
Lutter pour les droits des personnes « étrangères » passe aussi par la lutte contre l’extrême droite. Manifestation antifasciste, Genève, 12 novembre 2022.

Dans le canton de Vaud, comme à Genève, des initiatives populaires ont été déposées récemment pour donner la possibilité aux personnes étrangères de voter, d’élire et d’être élues aux niveaux communal et cantonal. À Genève, les personnes qui n’ont pas le passeport rouge à croix blanche représentent 40% de la population, dans le canton de Vaud 33%.

Sur le plan fédéral, près d’un quart de la population en Suisse ne peut ni voter ni être élue. Fin 2022, la population étrangère résidante permanente s’élevait à 2 millions 250 000 personnes, dont 66% en provenance des pays de l’Union européenne (UE et AELE). 

Sur le plan cantonal, seuls deux cantons, Neuchâtel et Jura, octroient aux étranger·ère·s le droit de vote. Pour le premier, iels doivent bénéficier d’une autorisation d’établissement et habiter depuis au moins 5 ans dans le canton ; pour le second, iels doivent être domicilié·e·s depuis au moins dix ans en Suisse et depuis au moins 1 an dans le canton. 

Aucun canton n’octroie le droit à l’éligibilité. En Suisse romande, cinq cantons romands octroient le droit de vote et d’éligibilité au niveau communal, les conditions variant d’un canton à l’autre. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une certaine durée de séjour et/ou du bénéfice d’un permis d’établissement. En Suisse alémanique, trois cantons autorisent leurs communes à permettre aux étranger·ère·s de participer aux votations et élections communales.

Citoyenneté politique et citoyenneté sociale

Toute riposte au courant xénophobe qui se renforce aujourd’hui – voir sa progression aux dernières élections – ne peut se construire qu’en affirmant sans concession que tous ceux et toutes celles qui sont exploité·e·s et opprimé·e·s doivent lutter pour les mêmes droits politiques, sociaux et culturels, afin d’agir ensemble contre les politiques patronales, en particulier la précarisation des emplois.

Historiquement, la citoyenneté politique est liée à des obligations, comme celle de payer ses impôts. Elle offre en contrepartie le droit de voter, d’élire des représentant·e·s, de participer à une initiative ou à un référendum.  Cette citoyenneté n’est même pas reconnue, encore aujourd’hui, aux personnes « étrangères » qui sont pourtant contribuables. Une discrimination inacceptable !

Cette citoyenneté n’est nullement secondaire, mais reste séparée totalement de la citoyenneté économique et sociale, c’est-à-dire de l’absence complète d’emprise sur les décisions qui affectent pour chacune et chacun son existence concrète, son travail, sa vie quotidienne. Le sujet qu’est le citoyen et la citoyenne se transforme en objet du marché du travail et du logement. Pas de vote possible sur le montant du loyer de son logement ni sur ses conditions de travail… 

Cette citoyenneté, très restrictive, conduit à vider de son sens toute activité civique. Le taux d’absentéisme électoral, très important, est une des facettes de l’absence de droits sociaux. De plus, aucune forme de citoyenneté n’est reconnue à celles et ceux qui n’ont pas de statut de séjour légal. 

Enfin, pour les immigré·e·s qui vivent et travaillent « légalement », la citoyenneté n’est pas réductible à la naturalisation, dont la procédure est semée d’embûches, même pour les descendant·e·s de la troisième génération !

Disparition du courant xénophobe?

Peut-on s’attendre à une disparition du courant xénophobe? Bien évidemment, non. C’est au moment où l’offensive néolibérale s’accentue et déploie ses effets les plus délétères, qu’il est urgent, nécessaire, de lier les revendications de défense des salarié·e·s à la revendication des mêmes droits politiques, sociaux, culturels pour tous ceux et toutes celles qui vivent et travaillent en Suisse et ailleurs. 

La poussée des courants xénophobes, en Europe et dans le monde, est liée à la crise profonde, écologique et sociale que nous vivons. Comme l’écrivait Antonio Gramsci, dans ses Cahiers de prison, enfermé dans les geôles mussoliniennes, « la crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne, on observe les phénomènes morbides les plus variés ». Ces phénomènes ont pour expression notamment la négation de tous les droits pour les personnes étrangères, un racisme décomplexé, une politique officielle menée sans fard contre les étranger·ère·s, immigré·e·s ou requérant·e·s d’asile. Et la Suisse n’est pas une île, mais un laboratoire, un modèle, en cette matière… 

Jean-Michel Dolivo