Travailler 7 jours sur 7, bientôt la règle!
Travailler 7 jours sur 7, bientôt la règle!
Un pas supplémentaire vient dêtre franchi dans la flexibilisation des horaires de travail: le Conseil national a accepté mi-mars 2004 une initiative du radical Hegetchweiler visant à une libéralisation des heures douverture des magasins situés «dans les gares qui sont des centres de transports publics ainsi que dans les aéroports» jusquà 23 heures tous les jours, dimanche compris. Une brèche de plus faite au principe de linterdiction du travail du dimanche, lexception devenant la règle!
La législation actuelle interdit le travail du dimanche dans les commerces installés dans les gares, dont les marchandises ou les prestations ne répondent pas principalement aux besoins particuliers des voyageurs. Ainsi, par exemple, ne sont pas autorisés à employer du personnel le dimanche les magasins qui vendent des chaussures, des disques ou du matériel informatique. Cette règle est cependant violée, depuis plusieurs années, les autorités fermant les yeux sur les ouvertures dominicales de tels commerces dans de nombreuses gares du pays.
Privatisation, flexibilité et campagne sécuritaire
Le profit finissant par imposer sa loi, le parlement a entériné cette pratique illégale et ouvre ainsi toute grande la porte à un élargissement du travail du dimanche. Cet objectif avait déjà été exprimé, noir sur blanc, dans un Rapport de la Commission des transports et des télécommunications du 11 novembre 2002: «La commission estime que lévolution de ces dernières années caractérisée par la libéralisation des horaires douverture des magasins dans toute la Suisse est en contradiction avec linterdiction rigide de travailler le dimanche inscrite dans la loi sur le travail, et que cela conduit à une situation intenable, notamment dans les centres de transports publics. Louverture dominicale des magasins dans les gares répond à un besoin global, exprimé non seulement par les dits magasins et leurs employés, mais servant aussi les intérêts bien compris des chemins de fer, des cantons et de lensemble de la population. Elle permettrait en outre de conserver des emplois, voire den créer, et daugmenter en plus de manière manifeste la sécurité de lensemble des voyageurs dans les gares ( )».
La transformation les gares en centres commerciaux va de pair avec la privatisation des chemins de fer et de lespace public quelles constituent. Elle est présentée fallacieusement comme un moyen de lutter contre linsécurité: de grandes surfaces, ouvertes 7 jours sur 7, engagent des agents de sécurité! Loccupation du personnel le dimanche ne sera plus réglée en fonction des besoins des voyageurs, mais en fonction de la situation géographique des commerces en question. Rentabilité oblige, ce sont avant tout les grandes gares (terme particulièrement élastique) qui seront concernées.
Dans sa prise de position sur linitiative Hegetschweiler le Conseil fédéral admet dores et déjà que ces ouvertures dominicales doivent sinscrire dans un processus de libéralisation plus vaste. Le gouvernement relève que, «comme la souligné la majorité de la Commission, les habitudes de vie des Suisses ont changé: la mobilité des personnes actives professionnellement a énormément augmenté, les familles connaissant une répartition classique des tâches sont en diminution constante, les comportements alimentaires se sont adaptés aux nouvelles formes de vie et les achats ne sont plus planifiés quà court terme, de telles sortes que les possibilités dachats doivent être aussi étendues que possible et disponibles quotidiennement». On ne saurait être plus explicite: ce qui est en cause, cest la suppression même du principe de linterdiction du travail du dimanche. Et la prochaine étape est dores et déjà programmée, louverture possible et sans autorisation nécessaire de tous les magasins quatre dimanches par année, telle que la prévoit une nouvelle initiative parlementaire Wasserfallen.
Non au travail du dimanche!
En imposant un élargissement du travail du dimanche, la majorité du Parlement comme le Conseil fédéral font fi, non seulement de lopposition exprimée à plusieurs reprises par les femmes et des hommes travaillant très souvent avec des salaires de misère dans le secteur de la vente, mais encore du résultat de nombreuses votations populaires refusant toute déréglementation des heures douvertures des commerces.
Le dimanche reste en effet le seul jour où, ensemble, il est possible de se reposer, de se rencontrer et déchanger dans un cadre familial et social, en particulier dans des activités sportives ou de loisirs. Cest un moment qui échappe aux contraintes du stress lié très fréquemment à la vie professionnelle. Louverture dominicale des commerces dans les «centres de transports publics» fera très certainement boule de neige, provoquant louverture dominicale dans dautres secteurs, par exemple la poste, les banques, le secteur du transport et des livraisons de marchandises. Un référendum devra être lancé pour refuser cet engrenage qui fait du dimanche un jour comme les autres.
Jean-Michel DOLIVO