Turquie

Voix pour la paix au Kurdistan

Plus de 300 voix pour la paix dans le Kurdistan turc se sont élevées à Marseille le 13 janvier pour amplifier l’appel adressé au gouvernement turc par 78 journalistes, artistes et penseur·euses en faveur d’une solution démocratique à la question kurde et de la fin des pratiques illégales d’isolement d’Abdullah Öcalan.

Défilé pour commémorer l'assassinat de militantes kurdes à Paris
Plusieurs milliers de personnes ont défilé samedi 6 janvier 2024 à Paris pour réclamer la levée du secret défense dans l’enquête sur l’assassinat de trois militantes kurdes à Paris en 2013 et pour marquer l’anniversaire de la tuerie de la rue Enghien de décembre 2023

Le président turc Erdogan prétend s’inquiéter des massacres à Gaza perpétrés par Israël et dénonce (comme nous) le fait qu’à Gaza nombre de journalistes ont été tués. Pendant ce temps, le gouvernement turc profite du fait que tous les regards sont tournés vers la Palestine pour bombarder les zones de populations kurdes et accélérer son entreprise de destruction. 

Selon l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie, l’armée turque a détruit dans ces régions des infrastructures vitales pour des millions de personnes, les privant d’eau, d’électricité, visant des écoles et des bâtiments administratifs. L’appel publié en octobre 2023 à Istanbul attirait l’attention sur l’urgence d’une solution pacifique à la question kurde. Acte hautement courageux lorsqu’on se rappelle que le précédent appel pour la paix «Nous ne serons pas complices» avait été qualifié en 2016 de propagande terroriste par le gouvernement turc et avait conduit à la persécution et à l’arrestation de ses signataires.

Avant qu’il ne soit trop tard 

À l’appel d’un collectif d’intellectuel·les et d’artistes européen·nes, s’est tenu le 13 janvier à Marseille un rassemblement pour la paix au Kurdistan turc. Réunie à la bibliothèque de l’Alcazar, cette assemblée prolongeait une tribune publiée par le quotidien Libération et signée par 121 personnalités du monde artistique et intellectuel dont Annie Ernaux, Patrick Chamoiseau, Edgar Morin, Ariane Ascaride, Robert Guédiguian, Michèle Rubirola, Jean Ziegler, etc,. 

« Chaque jour les Kurdes comptent leurs victimes. Pendant ce temps, de l’autre côté de la frontière, plusieurs dizaines de milliers d’opposant·e·s politiques, surtout kurdes, et principalement des femmes – dont des députées et des mairesses -, sont enfermé·e·s dans les prisons du régime autoritaire turc qui veut étouffer toute voix de paix. Le gouvernement turc alimente volontairement la colère des Kurdes en maintenant Abdullah Öcalan, leader du mouvement kurde qui avait joué un rôle capital dans les négociations de paix en 2013 et 2015, en prison dans un isolement total, sans signe de vie depuis trente mois ». 

Extrait de la Tribune publiée par Libération le 8 janvier 2024

L’objectif de cette action était de relayer et d’amplifier les voix qui s’élèvent en Turquie pour la paix au Kurdistan, à l’heure où se manifestent des signaux alarmants d’une autre guerre qui risque de prendre une ampleur incontrôlable. Un seul et même message était décliné sous la forme de plusieurs prises de parole et de contributions littéraires, musicales et ciné­matographiques: «Ne laissons pas un massacre en cacher un autre», selon le titre de la tribune parue dans Libération

Salle comble aussi à l’occasion de la rencontre qui a suivi à la librairie Maupetit de Marseille, où Gérard Chaliand, Elie Guillou, Valérie Manteau, Mylène Sauloy et Pinar Selek ont présenté leurs derniers livres en lien avec l’antimilitarisme, la lutte des Kurdes et la recherche d’une paix durable. 

Marianne Ebel

Appel de Murat Durmaz

Le maire kurde d’Özalp (Ville de la province Van, en Turquie) entre 2009 et 2012, criminalisé et emprisonné comme des centaines d’autres maires kurdes, accusé d’appartenir à une organisation terroriste et aujourd’hui exilé en France, connu pour ses romans et ses peintures, a lancé un appel à la solidarité internationale pour la paix. Extraits de son discours à la Bibliothèque de l’Alcazar à Marseille :

«À l’heure où la guerre nous est imposée, votre voix qui s’élève depuis l’Europe donnera une grande force aux peuples pacifiques de Turquie. […]

En 2009, j’ai été élu maire de la ville d’Özalp. Il n’y avait aucune infrastructure. Il n’y avait pas d’eau. Il n’y avait aucun espace vert. Les rues étaient plongées dans l’obscurité. En fait, il n’y avait rien, même la municipalité ne possédait pas d’équipements. Nous avons surmonté toutes ces difficultés par notre modèle de gouvernance transparente. […]

Avec notre modèle d’autogestion, nous avons revendiqué nos droits culturels. Nous avons donné de l’importance aux droits des femmes et à l’équilibre écologique, et nous avons réussi.

Ce n’est que dans un tel environnement qu’une municipalité écologique, démocratique et féministe est possible. Si nous nous donnons la main, nous pourrons faire entendre notre voix et parvenir à la paix.»