IA générative, beaucoup de dépenses pour quels avantages?

Un terme revient sans cesse dans la bouche des «expert·es» climatiques, la «sobriété énergétique». Sauf que dans le cas du développement de l’intelligence artificielle, il est passé sous silence. Quelques chiffres et prévisions décrivent une évolution inquiétante.

Des manifestants dénoncent la consommation d'électricité des centres de données
Rassemblement de protestation contre la politique irlandaise qui facilite l’accueil de centres de données, Dublin, novembre 2021. Le centres de données consommaient 18 % de l’électricité du pays en 2022, syphonnant les sources renouvelables.

Microsoft et Google s’étaient engagées à atteindre la neutralité carbone en 2030. C’était avant leur implication dans le développement de l’Intelligence artificielle (IA). Depuis, leurs émissions ont bondi de 29% en trois ans pour la première, de 48% en quatre ans pour la seconde.

Pour l’instant, le résultat le plus spectaculaire de l’IA est bien une extraordinaire augmentation de la consommation énergétique. Et les prévisions pour le futur sont sur des trajectoires encore plus gourmandes.

Certaines compagnies se justifient en déclarant, sans apporter beaucoup de preuves, que la consommation des centres de données (DC, data centers) a été réduite. Mais comme leur nombre et leur besoins énergétiques vont exploser, le résultat n’est pas très convaincant.

Bond de la consommation électrique

Une requête d’un assistant de type ChatGPT consommerait dix fois plus d’énergie qu’une requête classique sur un moteur de recherche, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Voilà un bon résumé des contraintes introduites pour un futur d’IA généralisée. Cette technologie n’est nullement sobre, et son extension multiplie les besoins en électricité.

La cause? La nécessité de construire de nouveaux DC, dont les unités de calcul (les processeurs graphiques GPU) nécessitent 6 à 10 fois plus d’énergie. À cela il faut ajouter l’infrastructure des DC et leur multiplication. Certaines de ces structures nécessitent une puissance de 1 GW, soit l’équivalent d’une centrale nucléaire.

L’Agence internationale de l’énergie prévoit une consommation provoquée par l’IA et les cryptomonnaies passant de 460 TWh en 2022 à 620-1050 TWh en 2026, soit l’équivalent de la consommation d’un pays comme la Suède ou l’Allemagne. Les États-Unis concentrent un tiers des DC dans le monde, où ils consomment 4% de la production nationale et devraient passer à 6%. Ces tendances seraient semblables en Europe (16% des DC) et en Chine (10% des DC). La production d’électricité en Chine et aux États-Unis est majoritairement d’origine fossile.

L’IA n’est pas gratuite

La multiplication de ces nouveaux DC est stimulée par la compétition impitoyable que se livrent les grands groupes de services informatiques.

«Le besoin de calcul informatique pour l’IA a été multiplié par un million en six ans et il décuple chaque année» avertit Sundar Pichai, le patron de Google (Le Monde, 14.5.2024). En conséquence, une avalanche d’investissements sont annoncés. Évidemment, seuls les grands groupes participent à la course. Amazon, Microsoft, Google et Meta vont investir cette année 200 milliards de dollars. 45% de plus qu’en 2023 et 180% de plus qu’en 2019.

Ces nouvelles infrastructures posent immédiatement deux enjeux majeurs: comment produire très rapidement le surplus d’électricité nécessaire et comment compenser les émissions de dioxide de carbone ainsi provoquées.

Pour les compensations, certains se tournent vers des compagnies… pétrolières. Ainsi, Occidental Petroleum, 4e compagnie étasunienne, vient de vendre à Microsoft des crédits carbone pour 500000 tonnes et pour 250000 tonnes à Amazon. La méthode de ce pétrolier est celle de la capture directe de carbone, qui n’a pas passé le cap de la démonstration industrielle, mais toutes les majors pétrolières étasuniennes se précipitent vers cette procédure. Pourquoi? Sur le papier celle-ci leur permet de justifier la poursuite de leurs activités de production pétrolière. Comme les crédits d’énergie d’origine renouvelable, ces mécanismes peu crédibles s’apparentent davantage à des droits de polluer, et sans contrôle précis.

L’IA, un choix intelligent?

Le développement intense annoncé de l’IA résulte-il d’un vaste débat, répondant à des priorités sociales et environnementales urgentes? Est-il le fruit de réflexions mûrement réfléchies? Aucunement. Comme d’autres produits de l’économie capitaliste, sa croissance et son usage est porté par une poignée de dirigeant·es de grandes compagnies des services informatiques, en quête de croissance continue et de nouveaux produits. En compagnie d’investisseur·ses financier·es, obnubilé·es par des prévisions de rendements faramineux, et toujours prêt·es à parier sur de nouveaux marchés, synonymes de futurs profits.

Les intérêts de ces rapaces sont présentés comme couvrant ceux de l’ensemble de la société, adossés à une notion du «progrès» technocratique et financier.

Pour l’instant, les retombées attendues de l’IA sont pour le moins spéculatives. Plutôt que de promettre que l’IA permettra d’améliorer les modèles de réchauffement climatique, une lutte globale contre les émissions de CO₂ serait prioritaire. La pertinence des «améliorations» dans les domaines de la santé ou de l’éducation est tout aussi douteuse, alors qu’il s’agirait de répondre à l’extension des soins et de l’éducation de qualité pour les populations qui en sont encore largement privées.

José Sanchez