Pour celleux qui ont quitté la terre, mais pas les esprits
Depuis vingt-cinq ans, le Transgender Day of Remembrance (TDoR) a lieu le 20 novembre de chaque année en mémoire de Rita Hester, tuée le 28 novembre 1998 à Allston dans le Massachusetts, lors d’un crime de haine transphobe.
Il y a quelques jours, le rassemblement annuel qui s’est déroulé à Genève pour cette journée du souvenir trans a réuni une centaine de personnes. Le Collectif Radical d’Action Queer, organisateur de l’évènement, a proposé des discours, des lectures de poésies, des chants et offert le micro à diverses associations et à des personnes souhaitant partager leur récit de vie.
Pour réchauffer les corps et les cœurs, des accolades, des bougies, du thé chaud, des sourires… Aussi des larmes, des banderoles, un rappel des noms, des photos et des petits mots pour rendre hommage à celleux qui ont quitté la terre mais pas les esprits.
Parce qu’il faut le rappeler, aujourd’hui on meurt encore d’être une personne trans et nous assistons à une augmentation des violences dans cette période d’offensive contre les droits fondamentaux.
Y a-t-il besoin de rappeler que désormais, dans certains États aux USA, des enseignant·es ont le droit de regarder dans la culotte de leurs élèves pour vérifier leur «genre»? Il faut s’informer sur la réalité des parcours interminables et violents auxquels les personnes trans sont confrontées ici ; les rejets dans la rue, les cabines d’essayages, jusqu’à la FIDE (Fédération international d’échec à Lausanne) qui interdit aux femmes trans de concourir aux tournois…
Il y a des études, des ouvrages, tant d’informations et de témoignages pour cesser d’ignorer le sujet ou penser qu’il est secondaire. Je citerai ici deux sources qui m’ont apporté toutes les clés de compréhension, de réflexion et de décorticage qu’il me manquait en tant que féministe: La fin des monstres de Tal Madesta et le livre et la performance Un temps sois peu de Laurène Marx.
Le transféminisme m’est apparu comme une richesse incroyable, un des plus gros battements de cœur du féminisme. C’est cette lutte-là, ensemble, que je veux mener contre le contrôle sur nos corps, nos vies, contre toute forme de domination.
Se dissocier de la réalité et des vécus trans, du droit à l’autodétermination, c’est se tourner le dos à soi-même, c’est renier notre histoire, c’est décider d’ignorer le noyau et le sens de notre lutte pour la libération, l’émancipation et l’égalité ; en fait, c’est faire partie intégrante du système d’oppression.
Il est impératif et urgent de resserrer les luttes et les liens.
À toi Marjo et à toustes mes adelphes partout.
Caroline Rosenberg